Light : Bach Dance, une pièce en forme de memento mori.
Le Théâtre de la Ville accueille régulièrement, et cela, depuis de nombreuses années, les créations du chorégraphe israélien installé à Londres Hofesh Shechter. Soutien d’autant plus indéfectible en cette fin d’année 2022 et en ce début 2023 avec une double proposition. Ainsi avons-nous retrouvé à l’affiche Contemporary Dance 2.0, une pièce déjà présentée en avril dernier et dansée par la compagnie « Junior » en cette fin d’année au Théâtre des Abbesses, et la dernière pièce annoncée du chorégraphe, LIGHT : Bach dances, créée au Royal Danish Theatre en 2021 et présentée à la Philharmonie de Paris dans le cadre de la programmation du Théâtre de la Ville Hors-les-Murs. On avait pu voir dans Contemporary Dance 2.0 une tentative de faire « matcher » la gestuelle de la danse de Hofesh Shechter avec une partition de Bach. Sans nous convaincre totalement. Aussi, c’est non sans une certaine curiosité que nous sommes venus assister à Light : Bach dances, une pièce chorégraphiée et mise en scène à la manière d’un opéra à partir d’extraits des cantates de Jean-Sébastien Bach.
Le dispositif scénographique de Light : Bach Dances.
Il faut avant tout dire qu’il s’agit avec ce spectacle créé avec le metteur en scène John Fulljames d’une œuvre à la croisée de la danse, du chant et de la musique. Danseurs, musiciens, chanteurs, soit une quarantaine d’interprètes, se partagent le plateau dans une sorte de dispositif triangulaire auquel s’ajoutent des éléments de décor comme ces nombreuses chaises à jardin et les caissons mobiles dans lesquels se glisseront les chanteurs, et une sorte d’écran de projection qui fera également office de catafalque occupant une bonne partie de l’arrière scène.
A ce dispositif strictement scénique, il faut encore ajouter l’écran qui permet de suivre, plus ou moins facilement selon la place que l’on occupe dans la salle, la traduction des lyriques et des propos recueillis auprès de personnes en fin de vie qui témoignent de leurs regrets et de leurs appréhensions face à cette mort qui approche. Il y a une complexité du dispositif scénographique puisque tout se joue dans les nombreuses alternances entre lyriques chantés et témoignages parlés enregistrés, chœur / chanteurs et danseurs, musiques et silences. Si la partition de Bach est le fil rouge, pour le reste la mise en scène alterne principalement les registres évoqués plus haut.
Une danse en attente.
Projet initié entre deux vagues de covid, le fil conducteur de cette création se veut une réflexion sur la mort, une thématique qui traverse bien souvent les pièces du chorégraphe comme dans Clowns ou Double Murder. Mais là où la danse brute de Hofesh Shechter parvenait seule à nous la rendre proche, ici le dispositif noie l’ensemble dans un excès de pathos. Les témoignages, aussi poignants soient-ils, apportent peu mis en relation avec les lyriques des cantates à la gloire du créateur.
Alors que nous reste-t-il ? Il nous reste la danse pour conjurer la mort et célébrer la vie. Comme le disait Pina Baush : dansons sinon nous sommes perdus. Mais la danse dans LIGHT : Bach dances se fait justement trop attendre, qui se donne à voir avec parcimonie et sous une forme assez fragmentaire durant un trop long moment. Il faut attendre le dernier 1/4 d’heure pour voir enfin les danseurs occuper la scène de manière quasi permanente avec des moments comme cette ronde qui emprunte tout autant aux danses traditionnelles (si chères au chorégraphe) qu’aux danses macabres, et qu’on aurait aimé voir bien avant, et surtout ce final dans lequel sont enfin réunis et mêlés, musiciens, danseurs et choristes dans une vraie ode à la vie retrouvée. Le meilleur moment du spectacle. Enfin !
LIGHT : Bach dances de Hofesh Shechter, vu à la Philharmonie de Paris le 8 janvier 2022.
Visuel : Hofesh Shechter, LIGHT Bach dances © Camilla Winther.
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