Grand Finale de Hofesh Shechter.

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Repoussée pour cause de pandémie, la reprise de Grand Finale de Hofesh Shechter, créée en 2017, a fait salle comble à la Grande Halle de la Villette de Paris. Emmenée par dix nouveaux jeunes interprètes de la Hofesh Shechter Company, la pièce a été largement ovationnée. Basé à Londres depuis une quinzaine d’années, Hofesh Shechter, formé à la Batsheva Dance Company, est arrivé sur la scène internationale avec une danse qui mêle la fluidité des corps à une énergie électrique portée par une bande son, gorgée de percussions électroniques, qu’il compose lui-même.

Un monde qui se défait sous nos yeux.

Grand Finale de Hofesh Shechter
Grand Finale de Hofesh Shechter © RAHI REZVANI

Sur un plateau nimbé d’un épais brouillard comme une fin de monde apocalyptique, les danseurs sortent de la pénombre et entrent sous des douches de lumière pour entamer des fragments de danse. Des groupes se constituent, débutent une danse à l’unisson qui se disloque tout aussi vite pour se recomposer autrement. On reconnait le vocabulaire du chorégraphe dans cette danse ancrée dans le sol, les bras repliés sur la poitrine ou levés au ciel entre imploration et protestation. C’est une danse qui joue de la rupture permanente et qui en un sens donne à voir un monde en perpétuelle décomposition et recomposition. Il y a quelque chose du « Fort-da » freudien dans cette manière de faire apparaître puis disparaître la danse et les interprètes eux-mêmes.

Des structures amovibles hautes comme des monolithes sont régulièrement déplacées par les danseurs et viennent re-configurer l’espace, semblant nous dire l’impossibilité de trouver une issue à un monde bien sombre. On pense aux velléités qui, ici ou là dans le monde, cherchent à ériger des barrières physiques.

Grand Finale, une beauté convulsive.

Autre partie prenante de la scénographie : un quintette tout à fait classique constitué d’instruments à cordes et à vent occupe sur le plateau des situations variables et participe à l’univers sonore, ajoutant une touche plus traditionnelle à une musique de percussions qui saturent l’espace sonore. Ce quintette vient à l’entracte occuper l’avant scène pour un intermède musical plus joyeux alors qu’un danseur écroulé sur une chaise, comme mort ou endormi, tient un carton sur lequel est écrit le mot ENTRACTE. Il sera lui-même remplacé par un autre danseur jeté sur le bord du plateau avec l’écriteau KARMA avant la reprise de la seconde partie. Est-ce une indication de lecture pour la séquence qui s’annonce ?

Toujours est-il que les danseurs reviennent sur la plateau dans des tenues plus colorées et si les séquences dansées semblent moins fragmentées et laissent entrevoir les aspects festifs de danses traditionnelles, les corps, malgré l’apparition d’un moment de joie partagée autour de l’orchestre, resteront malmenés : trainés plus que portés, abandonnés ici où là, ils finiront pour certains comme emmurés après un dernier réconfort.

Autant dire qu’on ne sort pas joyeux d’une telle pièce car s’il y a de la beauté, c’est une beauté convulsive. Et la mort ne semble jamais très loin.

vu le 01/07/2021 à la Grande Halle de La Villette dans le cadre du Théâtre de la Ville Hors les murs.

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