Grand Crié de Nicolas Barry fut présenté deux fois en l’espace de 15 jours. Tout d’abord dans la programmation Jeunes chorégraphes du Théâtre de la Ville et dans celle d’Avis de Turbulences du Théâtre de l’Étoile du Nord. Il ne fallait pas moins de ces 2 représentations pour entrer un peu plus dans cette pièce mille-feuilles qui entremêle de manière assez sophistiquée, le texte et le corps, la théâtralité et la danse, le son et le chant. Enfin, la représentation de l’Étoile du Nord nous aura permis de voir un final qui n’était pas présenté au Théâtre des Abbesses.
Si l’on devait résumer Grand Crié, on pourrait dire que Nicols Barry est au texte, Sophie Billon, Nangaline Gomis et Julien Meslage à la danse et Martin Poncet à la composition musicale. Mais ce serait un résumé qui ne rendrait pas vraiment compte de la porosité des genres au cœur de la pièce.
Anatomie du cri.
Sur scène, on découvre les cinq performeurs les yeux clos. Nécessité d’une concentration avant de débuter ? ou bien état de somnolence voir de sommeil ? Auquel cas la pièce aurait à voir avec une forme de rêverie, ou même de cauchemar. Nicolas Barry est installé assis au-devant de la scène. Il porte un très gros collier de perles blanches et se peinturlure la bouche de rouge à lèvre.
Sur le playback pré-enregistré de son texte, il commence un long monologue, dissertant sur les modalités de ce qui définit un spectacle, le sien justement : un lieu avec ses portes qui se referment, des ouvreuses, des spectateurs, des yeux qui regardent, etc. Et puis il sera question de la voix, de cordes vocales. Le cri n’est pas loin, on s’en approche. Enfin, plus tard, des corps qui découvrent leur capacité à se mouvoir dans une exaltation toute enfantine (« on dirait qu’on bouge » comme leitmotiv). Mais au final, c’est la puissance du cri qui s’est évaporée.
Officiant au texte, Nicolas Barry est comme le maître de cérémonie de cette pièce ou les danseurs viennent donner corps aux images que produit le texte. Et le paradoxe est celui-ci que le cri est étouffé et que s’il donne de la voix s’est dans les moments dansés et les effets visuels, comme lorsqu’il y est question de la Callas.
Avec son playback (effet de lipsynch) de bout en bout, ses arrêts sur images, les effets cartoonesques des corps, les envolées chantées lyriques et ce long monologue qui semble vouloir nous égarer, Nicolas Barry brouille les pistes entre les genres, entre la danse et le théâtre pour notre plus grand plaisir. Comme dans ce final dansé ou les danseurs retournant leur teeshirt « cul par-dessus tête » se retrouvent affublés d’énormes têtes aux bouches béantes criant en silence dans une succession de fondus au noir.
On retrouvera Grand Crié de Nicolas Barry au 104 les 9 et 10 décembre 2023.
Vu le 3/10/2023 au Théâtre de l’Étoile du Nord dans le cadre de l’édition Avis de Turbulences en partenariat avec le festival Jerkoff.
Biographie.
Nicolas Barry est un auteur dramatique et chorégraphe né en 1989 à Lille. Après des études de lettres et de théâtre à Paris, il intègre l’ENSATT à Lyon, dans le département d’écriture dramatique. Il travaille dès 2017 comme dramaturge auprès de Julien Fisera (Compagnie Espace Commun). Sa pièce La Paix dans le monde a été Lauréate du festival Jamais Lu et donnée en lecture à Théâtre-Ouvert en 2021, puis sélectionnée par le comité de Lecture Troisième Bureau à Grenoble. Sa création Grand Crié, a été créée en novembre 2022, aux SUBS de Lyon.
Crédit photo filipf.o.t.o / avoiretadanser