Ayta de Youness Aboulakoul

  • Post category:chroniques

Dans Ayta de Youness Aboulakoul, les corps toujours se relèvent, se soulèvent.

Youness Aboulakoul est danseur, chorégraphe et également musicien, compositeur de musique électronique. Ayta, le titre de sa pièce signifie “cri” en dialecte marocain mais c’est aussi un genre musical qui accompagne diverses célébrations heureuses ou malheureuses. Dans cette pièce pour 6 interprètes femmes, Youness Aboulakoul s’est appuyé sur cette double acceptation pour créer une pièce en forme d’éloge de la résistance.

Ayta de Youness Aboulakoul
Ayta de Youness Aboulakoul © François Stemmer

Ce qui intrigue d’emblée lorsqu’on s’installe en salle est la forme du plateau, non pas la forme rectangulaire habituelle mais une légère déformation qui constitue comme une pointe au fond à jardin. Un rideau de couleur ocre comme le sol épouse cette forme angulaire.

C’est dans cet angle que 6 danseuses prennent place dos au public. Après un temps d’immobilité, elles débutent une marche à l’unisson dont le rythme est donné par le jeu des percussions, légères tout d’abord puis de plus en plus puissantes. Dans cet espace quelque peu fermé et contraint, elles dessinent ainsi au sol comme un motif géométrique qui les fait revenir toujours à leur point de départ. A mesure que la musique percussive envahit l’espace sonore, des modifications apparaissent dans les parcours des 6 danseuses, cassant l’unisson de départ – mais brièvement, car elles réintègrent toujours le motif d’origine. On comprend vite qu’il s’agira alors pour elles de s’extirper peu à peu de cette assignation spatiale qu’on pourrait lire comme métaphore de toutes les assignations possibles.

Cette séquence gagne alors en amplitude. Les danseuses prennent possession de tout le plateau élargissant leurs déplacements, selon les multiples combinaisons et permutations possibles du motif de base au rythme de la bande son qui s’enrichit elle-même de variations instrumentales qui colorent l’univers sonore de la pièce et lui insuffle un caractère hypnotique.

Quelques instants durant, la lumière baigne le plateau d’une teinte ocre alors que Le rideau de fond de scène reçoit l’image projetée de ce qui ressemble à une vue de paysage ensablé et désertique. Comment ne pas s’y perdre ? Comment ne pas céder et renoncer ?

Ne pas plier !

Poursuivant leurs déplacements ininterrompus, les corps commencent à se plier au rythme de la bande son au rythme soutenu comme sous le poids de quelques fardeaux invisibles, mais toujours repartent se redressant. Là aussi toutes les combinaisons entre les danseuses sont explorées, seules ou en duos, se soutenant l’une l’autre lorsque l’immobilité peut gagner les corps arrêtés. Jusqu’à se retrouver enfin dans un unisson final, toutes les 6 côte à côte sur une même ligne, les mains entrelacées dans leurs dos et la tête haute.

Ayta de Youness Aboulakoul est le troisième volet d’une trilogie consacrée à la violence éprouvée par les corps après Today Is a Beautiful Day (2020) et Mille Miles ( 2022). Avec ces deux figures qui traversent sa pièce de bout en bout, celle du corps debout, vertical en marche et celle du corps plié, ployé et soumis au risque d’une immobilité définitive, Youness Aboulakoul chorégraphie la résistance des corps en lutte. Les 6 interprètes déploient alors toute leur énergie remarquable pour porter de bout en bout une partition chorégraphique complexe et hypnotique.

AYTA de Youness Aboulakoul vu le 26/03 au 104, festival Séquence Danse.

Conception, chorégraphie, création sonore : Youness Aboulakoul.
Avec : Nefeli Asteriou, Marie-Laure Caradec, Sophie Lèbre, Cassandre Muñoz, Anna Vanneau, Léonore Zurflüh.

Visiter le site de Youness Aboulakoul.

Ayta de Youness Aboulakoul