Zonder d’Ayelen Parolin

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Avec sa dernière création “Zonder”, la chorégraphe Ayelen Parolin dynamite le plateau de l’Atelier de Paris en clôture du festival June Events.

On avait découvert Ayelen Parolin avec sa pièce Simple (lire article). Elle y développait déjà un goût certain pour la loufoquerie, voire l’absurde de situations, pour l’accident et l’inachevé. Avec Zonder, elle poursuit sa recherche autour de la figure de l’idiot.

zonder d'ayelen parolin
ZONDER © Vince Vdh

La chorégraphe reprend ici la forme du trio avec deux des interprètes masculins de Simple, Piet Defrancq, Daan Jaartsveld, et y associe une interprète féminine, Naomi Gibson, qui fait l’ouverture de la pièce. Dans un espace immaculé, la danseuse surgit de derrière un fond de scène constitué de panneaux blancs, entame une danse un peu hésitante, les yeux grands ouverts sur l’espace encore vide qui l’entoure. En déplacements vifs avec petits pliés, elle arpente la scène.

Sur l’air du Beau Danube bleu.

Elle est ensuite rejointe par ses deux acolytes, non sans une certaine inquiétude. Comme dans Simple, ils et elle se découvrent, se jaugent et finissent par tenter ici d’inventer ensemble, en usant d’une gestuelle peu conventionnelle et incongrue, une chorégraphie un peu foutraque sur l’air du Beau Danube bleu de Richard Strauss, un air entonné tout d’abord dans un murmure, puis de plus en plus fort et sur un registre beaucoup plus martial pour finir. On se rappelle que dans Simple, Besame mucho constituait un leitmotiv musical final avant un démontage du plateau en bonne et due forme. Dans Zonder, le plateau sera soumis à plus grande destruction encore, sur l’air du kitchissime Beau Danube Bleu. À coup de masse, de chute de pierre, de scie, de corps passant à travers les cloisons, dans un registre très néo-punk et dadaïste. Pour autant, la danse reste bien présente et qui a vu Simple, retrouve les grands jetés, les pliés bras grands écartés, le pas de cheval, etc., une gestuelle malaxant avec gourmandise classique et contemporain.

La figure de l’idiot.

Avec Zonder, Ayelen Parolin explore une forme d’absurdité élevée au rang de critique de ces conventions théâtrales, chorégraphiques et scénographiques qui finalement escamotent en permanence les ratages et l’imprévisible. Ce en quoi la figure de l’idiot s’impose comme référant dans Zonder d’Ayelen Parolin. Car, ignorant des codes et des conventions, l’idiot n’est jamais ridicule. Débarrassé de tout, il fait dans la simplicité la plus naturelle. Pas de subtils jeux de lumière pour magnifier sa danse et les corps. Pas de musique envoutante non plus, mais le bruit des pas et sauts des danseurs sur le plateau. Au final, dans Zonder d’Ayelen Parolin, tout est à vue en quelque sorte. Même le baissé de rideau.

La chorégraphe dit à propos de sa pièce : « C’est dans la convergence des notions d’exaltation, d’exubérance et d’excès que je voudrais que se niche cette création. Avec l’envie d’orchestrer un désordre chorégraphique, de développer un rituel absurde et extravagant, où la musique, le rythme, jouera un rôle essentiel : libérer les performeur·euse·s de leurs “pensées” et leur permettre de plonger dans l’irrationnel et l’imprévisible. »

Certains (dans le public) pourraient s’épuiser de cette exaltation allant crescendo. Ce soir-là, le public de l’Atelier de Paris a accueilli ce Zonder d’Ayelen Parolin, loufoque et réjouissant de bout en bout, avec un bel enthousiasme.

Concept, chorégraphie : Ayelen Parolin / Créé & interprété par : Piet Defrancq, Daan Jaartsveld, Naomi Gibson.

Zonder d’Ayelen Parolin vu le 8/06/2024 au festival June Events à l’Atelier de Paris.