The Gathering de Joanne Leighton

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Avec The Gathering, Joanne Leighton et ses interprètes inventent un rituel pour réenchanter le monde.

Présentée au Théâtre de l’Aquarium dans le cadre du festival June Events, la dernière création de la chorégraphe Joanne Leighton transforme la scène en une forêt symbolique. Dix interprètes y célèbrent la puissance du collectif, que porte le titre The Gathering, dans une pièce immersive qui résonne comme un manifeste écologique.

Avec cette dernière création de la compagnie WLDN, Joanne Leighton fait entrer la nature sur la scène du Théâtre de l’Aquarium, un lieu tout à fait approprié puisque situé en plein cœur du Bois de Vincennes. The Gathering poursuit une exploration entamée depuis des années, où la nature et les préoccupations écologiques sont devenues le cœur battant des créations de la chorégraphe d’origine australienne. Des pièces comme 9000 pas (2015) ou Songlines (2018) évoquaient déjà ce lien à la terre. Dans Le chemin du Wombat au nez poilu, une création de 2023, son propos sur les enjeux écologiques prenait la forme d’une fable à destination du jeune public. La nature y était explicitement représentée dans une scénographie qui incluait des images projetées, celles de Flavie Trichet-Lespagnol, un dispositif qu’on retrouve à l’œuvre dans The Gathering avec la projection de vidéos et de photographies de forêts en fond de scène.

Walden, une référence majeure pour la chorégraphe.

Quittant le Centre Chorégraphique National de Franche-Compté de Belfort en 2015, Joanne Leighton créait, la même année, sa compagnie WLDN. Ce nom fait référence à l’ouvrage Walden ou La vie dans les bois de Henry David Thoreau, publié en 1854. Cet auteur prônait une vie de simplicité en accord avec la nature. Une référence doublement présente dans The Gathering : les interprètes de la pièce en lisent quelques extraits aux spectateurs installés en salle avant le début du spectacle, et la bande son elle-même en intègre quelques extraits comme un récitatif orchestré par le compositeur Peter Crosbie qui mêle également tambours, percussions, sons électroniques aux ensorcelantes polyphonies du chœur polonais Labotarium Pieśni.

Sur le plateau, en fond de scène, un grand rideau ‘molletonné’, de couleur claire, tombe des cintres. Son épaisseur donne une matérialité tout à fait organique aux somptueuses photographies sur lequel elles sont projetées. Images de forêts et de sous-bois dont les variations chromatiques, en cours du spectacle, peuvent évoquer la succession des saisons ou des évènements plus dramatiques comme les feux de forêts que connaissent depuis quelques années certaines régions du monde telle l’Australie.

The Gathering, une célébration collective.

Pierres et branchages sont disposés sur le plateau. Les dix interprètes s’en saisissent, les déplacent, réagencent cette nature à leur convenance ou selon quelques rites cérémoniels connus d’eux/elles seul·e·s : branches portées, échangées ; pierres frappées sur le sol et déplacées selon une progression rythmique précise comme une suite de Fibonacci, appliquée ici à la nature. On pense aux œuvres d’un Richard Long réalisées in situ lors de longues marches en pleine nature.

the Gathering de Joanne Leighton
Joanne Leighton, The Gathering © Patrick Berger

Les interprètes, Anthony Barreri, Stéphanie Bayle, Lauren Bolze, Hippolyte Desneux, Marie Fonte, Flore Khoury, Elisabeth Merle, Maureen Nass, Sabine Rivière, Antoine Roux-Briffaud, se rassemblent sur ce « plateau-forêt ». Ils célèbrent cette nature et font communauté en réinventant des danses collectives. Comme dans les pièces précédentes déjà citées, la marche — ou la course — installe une bienveillante complicité entre les interprètes. Elle organise leurs déplacements, suivant des tracés au sol qui s’inventent à mesure qu’ils se font.

Les danseurs se suivent, se croisent, s’éloignent pour toujours mieux se retrouver. Main dans la main, les déplacements vont jusqu’à prendre l’allure de farandoles surgissant du passé. Les gestes, d’abord simples, s’intensifient pour former des chaînes humaines aux mains nouées, symboles d’une solidarité retrouvée. Allant d’avant en arrière, les gestuelles s’installent, se répètent, s’intensifient et se transforment inexorablement en d’autres gestes qui entrainent le corps tout entier dans des danses furieusement joyeuses et communicatives.

Chaque élément de The Gathering, de la matière du rideau à la bande son, des projections d’images aux éléments naturels déposés sur scène, converge pour transformer le plateau en un écosystème dans lequel une communauté se réinvente joyeusement. Le geste chorégraphique devient alors un acte de foi, celui de croire en la possibilité d’un rituel contemporain pour refaire monde, ensemble. On quitte le théâtre porté par l’énergie vibrante de cette tribu, habité de cette attention toute nouvelle que nous porterons aux pierres et branchages que nous trouverons en chemin.

The Gathering de Joanne Leighton, vu le 14/06 au festival June Events à l’Atelier de Paris.

Chorégraphie et direction : Joanne Leighton.
Artistes chorégraphiques : Anthony Barreri, Stéphanie Bayle, Lauren Bolze, Hippolyte Desneux, Marie Fonte, Flore Khoury, Elisabeth Merle, Maureen Nass, Sabine Rivière, Antoine Roux-Briffaud.
Collaboration artistique : Marie Fonte.
Création bande sonore et musique originale : Peter Crosbie.
Création Photographique & Vidéo : Flavie Trichet-Lespagnol.
Costumes : Maïté Chantrel.
Lumières et Scénographie : Romain de Lagarde.
Réalisation scénographie : Pierre-Yves Loup-Forest, Gaston Arrouy.

Articles à lire sur les créations de Joanne Leighton : Corps Exquis, I’m sitting in the room, People United, Les Modulables.

Consulter le site WLDN de Joanne Leighton.