Les Inaccoutumés, le festival d’automne de la Ménagerie de Verre, fait son ouverture avec 900 Something Days Spent in the XXth Century, une recréation de Némo Flouret. Beaucoup d’entre nous ont découvert ce jeune chorégraphe à l’occasion de la performance Forêt d’Anne Teresa de Keersmaker dans l’aile Denon du Musée du Louvre. Il était associé à la célèbre chorégraphe flamande pour chorégraphier ce grand projet dansé dans les collections.
Après des études au conservatoire et à P.A.R.T.S., Némo Flouret a développé des projets chorégraphiques pour des espaces qui ne sont pas dédiées à la danse. Avec 900 Something Days Spent in the XXth Century, il s’intéresse particulièrement aux espaces industriels abandonnés, vestiges d’un autre temps, d’un siècle révolu. A ce titre la pièce fut présentée dans des entrepôts industriels à Montreuil en 2022.
Némo Flouret aux inaccoutumés réactive la mémoire du lieu.
La Ménagerie de Verre est de ces lieux qui, avant de devenir studio de danse il y a 40 ans, relevait de ce secteur que l’on dit secondaire. Ancienne imprimerie transformée, elle garde encore la trace de son activité passée avec sa salle de spectacle, ancien hangar entrepôt au plafond bas et dont la grande ouverture donne sur la rue. C’est par elle qu’on a vu certaines créations y faire entrer ou sortir des véhicules de toute sorte.
C’est en passant par cette même porte d’entrée que débute la déambulation qui nous est proposée ce soir-là. Mais c’est une entrée quelque peu contrariée et entravée. La structure amovible des gradins fait barrage à l’avancée des spectateurs qui progressent alors lentement à mesure que l’obstacle recule.
Un premier danseur débute sa danse au milieu des spectateurs. Il disparaît au sol puis se relève, traverse l’espace. D’autres suivent peu à peu. Au total 10 interprètes prennent possession de l’espace : regroupements, dispersions, courses, glissades au sol, arrêts, répétitions des gestes et des séquences, accélération. Petite mécanique de précision : les interactions et complémentarités se mettent en place.
La bande magnétique symbole et vestige du siècle passé.
Des bobines de bande magnétique de cassettes VHS, lancées par les interprètes se dévident sous nos yeux comme le symbole d’un vestige obsolète de la fin du siècle dernier. La bande magnétique sera le fil d’Ariane de cette archéologie du passé et notre guide pour accéder aux différents espaces de la Ménagerie.
Dans l’un des grands studios, un énorme amas-installation de bandes magnétiques est suspendu, tel le squelette d’un animal préhistorique dans un muséum d’histoires naturelles, avant de tomber au sol. En cet endroit le son devient plus percussif : rythme des corps, des gestes qui s’organisent et s’imbriquent les uns avec les autres. Chacun des interprètes, répétant inlassablement sa propre séquence de gestes et de déplacements, est le rouage, la pièce unique indispensable à cette grande machine dansante, faisant revivre en creux les machines disparues du lieu.
Comme il l’explique dans la note d’intention distribuée : “Je voulais concevoir un grand chantier chorégraphique, une sorte de rituel machinique ou logistique qui accélérerait jusqu’à dysfonctionner – ou jusqu’à confiner à une sorte d’illisibilité.” Dans ce lieu consacré à la danse depuis tant d’années, Némo Flouret réussi ce tour de force de faire ressurgir la mémoire d’un passé industriel avec les corps des interprètes transformés en une grande machine dansante.
900 Something Days Spent in the XXth Century, vu le 14 septembre à la Ménagerie de Verre, festival des Inaccoutumés.
Conception Némo Flouret.
Interprété par Synne Elve Enoksen, Némo Flouret, Tessa Hall, Philomène Jander, Pierrick Jacquart, Georges Labbat, Zoé Lakhnati, Jean-Baptiste Portier, Margarida Marques Ramalhete et Wan-Lun Yu
Retrouver l’ensemble de la programmation du festival des Inaccoutumés.