Miramar de Christian Rizzo, la mer à l’horizon

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Miramar de Christian Rizzo
Miramar @ Marc Domage

Miramar de Chiristian Rizzo est la dernière création pour 11 interprètes du chorégraphe et directeur du Centre chorégraphique national de Montpellier présentée au 104 Paris dans le cadre du festival Séquence danse.

Miramar vient clore un triptyque engagé avec Une Maison et suivi par le solo En son Lieu. Une affaire de lieu donc dans chacune de ces pièces, miramar étant ici la désignation d’une « vue sur la mer ».

Cette pièce ne pourra laisser le public indifférent tant les partis pris, chorégraphique et scénographique, y sont radicaux : une lumière blanche quasi crépusculaire qui baigne un plateau minéral, une bande son omniprésente aux sons saturés, enfin des interprètes dansant dos au public.

De quoi Miramar est-il le nom ?

La pièce débute par un solo, ce qui pour une pièce de groupe est assez inhabituel. La frêle Vania Vaneau vient se poster à l’avant-scène, le long d’une bande de lumière au sol. Face public, mais apparaissant et disparaissant tout à la fois dans un certain contre-jour, elle marche à reculons jusqu’à rejoindre celle bande lumineuse qui s’est déplacée jusqu’au fond du plateau. Ce moment de déplacement de face sera le seul de la pièce. Du fond maintenu dans la pénombre, elle entame alors un long solo vif et tranchant sur tout l’espace du plateau. La lumière nocturne créée par Caty Olive, constituée de barres de leds, se déplace par zone, découpe et fait vivre l’espace à mesure que la danse s’accélère.

La danseuse disparaît peu après l’entrée des 10 autres interprètes qui se placent au bord du plateau dos au public. Ils regardent finalement dans la même direction que nous spectateur comme si, dans cette obscurité profonde du mur du fond, un horizon était perceptible, celui d’un bord de mer, vers lequel ils s’avancent alors pour y disparaître totalement, avant de s’élancer pour une danse de groupe, éparpillés comme des promeneurs sur une plage, créant alors à 2 ou 3 de brefs unissons qui s’enchainent, et dont les déplacements reconfigurent sans cesse un espace mouvant, instable.

Dans ces fulgurances dansées comme des éclats, quelques moments plus longs en solo se développent comme celui de Youness Aboulakoul tranchant et précis comme une lame de rasoir. Ces instantanés de chorégraphies réorganisent sans cesse les relations entre les interprètes, quelques fois assis ou couchés, s’autorisant quelques gestes d’affection, comme une main posée sur une épaule, l’instant de leurs brèves immobilités devant cet horizon maritime.

Un horizon fermé.

Mais le bleu de la mer s’est mué ici en un noir d’ébène impénétrable, le bruit apaisant du ressac des vagues est un bourdonnement saturé de basses et de bruits blancs (bande son de Gerome Nox), et la lumière reste désespérément froide. Quel est alors cet horizon d’attente ? N’est-il pas l’annonce plus funeste d’une disparition, celui d’un monde dont il ne nous resterait plus que les gestes, comme cette courte farandole esquissée par 4 des interprètes ?

C’est avec le retour sur le plateau de Vania Vaneau que s’annonce la fin de Miramar. Après que les 10 interprètes se soient déplacés au sol comme les rouleaux d’une vague jusque sur l’avant-scène, elle reste assise le dos tourné alors que surgit comme sortant de nulle part un être étrange (un esprit malin ?) au visage invisible, affublé de vêtements très colorés et agitant un drapeau d’or. Contraste énigmatique. Comme cette phrase qui s’affiche pour clore la pièce : « Je te vois ». Et nous que voyons nous à l’horizon lorsque nous regardons la mer ?

Miramar vu au 104 le 14 avril 2022,.

Interprètes : Youness Aboulakoul, Nefeli Asteriou, Lauren Bolze, Lee Davern, Fanny Didelot, Nathan Freyermuth, Pep Garrigues, Harris Gkekas, Raoul Riva, Vania Vaneau, Anna Vanneau.