In girum imus nocte et consumimur igni de Roberto Castello

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Nous tournoyons dans la nuit, et nous voilà consumés par le feu, telle est la traduction de in girum imus nocte et consumimur igni de Roberto Castello chorégraphe et metteur en scène italien. Ce titre est repris d’un vers (faussement) attribué à Virgile. La pièce déjà donnée au Théâtre de la Ville en 2022, était ici programmée dans le cadre des “Chantiers d’Europe 2023” avec Inferno, autre création du chorégraphe.

La tragédie du vivant.

Sur une boucle son de machinerie industrielle et un plateau nu habillé d’une unique lumière grisâtre vascillante, quatre personnages aux visages revêches et mornes, marchent sans fin, se débattent, s’aiment ou se détestent, vivent tant bien que mal et meurent aussi quelques fois. Nuques courbées et dos voutés ils sont exténués et broyés par cette grande lessiveuse qu’est leur vie. Comme les papillons de nuit attirés par la lumière ils ne renoncent jamais jusqu’à s’y bruler les ailes..

Une écriture cinématographique.

Avec in girum imus nocte (…), il est difficile de ne pas penser immédiatement à May B. de Maguy Marin. Mais ici le noir domine. La mise en scène adopte un montage cinématographique serré. Chaque plan, d’une durée de quelques secondes, nous livre une action précise comme un mini scénario et se termine par un cut au noir sur les interprètes. Au plan suivant, ils réapparaissent ailleurs sur le plateau dans une nouvelle découpe lumineuse. Nouveau cadrage, nouveau scénario. Quelques fois le chorégraphe semble même chercher à présenter le contre-champ du du plan qui l’a précédé.

Ecriture cinématographique pour une pièce chorégraphique qui regarde du côté de Beckett. Mais peut-être aussi du côté de Guy Debord et de son film In girum imus nocte et consumimur igni réalisé en 1978. Ce film sorti en salle en 1981, dénonçait la société de consommation et l’aliénation de ses nouveaux esclaves modernes.

Dans une veine sombre et quasiment expressionniste, on retiendra un pièce forte et efficace dans son écriture qui nous parle de nos si fragiles petites existences.

Chorégraphie et mise en scène : Roberto Castello.
Interprètes : Mariano Nieddu, Stefano Questorio, Giselda Ranieri, Ilenia Romano. 

Vu le 9/06/2023 au Théâtre de la Ville / Les abbesses.
site de la compagnie ALDES
visuel : © Cristiana Rubbio