Liz Santoro et Pierre Godard, avec les danseurs de leur compagnie, rejouaient ce soir là une pièce déjà donnée l’année précédente au même endroit. Ou plus exactement jouaient une nouvelle partition chorégraphique de cette pièce intitulée For Claude Shannon. Ils ont eu la bonne idée pour l’occasion de proposer au public, comme ils l’avaient fait au Centre Pompidou quelques jours auparavant, d’assister à la répétition avant représentation, sachant que la combinaison de gestes qui constitue cette partition est déterminée de manière aléatoire avant chaque représentation. La séance de répétition est donc une séance d’apprentissage et de mémorisation de 8 nouvelles combinaisons (parmi 24) de positions de bras et de jambes à restituer lors de la représentation (c.f. notre article Learning (For Claude Shannon)).
A quoi assiste-t-on alors avec cette pièce. Derrière cette partition chorégraphique qui puise sa conception du côté de la linguistique et de l’informatique (Claude Shannon est considéré comme le père de la théorie de l’information) se donne à voir une étonnante “machine chorégraphique”. Les corps, loin de ne répondre qu’aux seuls automatismes de la répétition doivent s’adapter en permanence aux nouvelles combinaisons de mouvements prescrits par la partition à danser. S’adapter également à l’accélération du tempo qu’impose la bande son de Greg Bellmer, chercheur à l’Ircam, jusqu’à ce que les corps lâchent, abandonnent les bras pour les uns, les jambes pour les autres, avant de se “reprendre” et de se “reperdre” à nouveau. Il y a donc un processus d’entropie tout à fait réjouissant à observer pour nous spectateur.
Comme le précisait les chorégraphes dans une note d’intention : “Là où règne l’ordre, injecter du désordre. Et réciproquement”. Message reçu !
Spectacle vu le 4 avril 2018 au Théâtre de la Bastille.
Crédit photo © Julieta Cervantes