Le Théâtre de la Bastille, en partenariat avec les Ateliers de Paris – Carolyn Carlson, offrait une belle première semaine de programmation danse. Ainsi on a pu voir dans la même soirée 2 pièces totalement différentes: tout d’abord For Claude Shannon, pièce pour quatre danseurs de Liz Santoro et Pierre Godard, (d’apparence) conceptuelle et minimaliste, puis le très organique duo This Duet that We’ve Already Done de Frédérick Gravel. On est sorti tout autant ravi de ces 2 pièces.
This Duet That We’ve Already Done de Frédérick Gravel : un duo sans faux-semblants, ni grâce surjouée.
A l’entrée du public dans la salle, le couple de danseurs, Frédérick Gravel et Brianna Lombardo, est déjà sur scène. Décontractés en tenue de ville mais les pieds nus, sirotant leurs verres, ils bavardent avec nonchalance. Gravel joue l’ambianceur en lançant de sa tablette la bande son que l’on entend en fond sonore dans l’attente du début du spectacle.
Le public une fois installé, c’est Brianna Lombardo, seule, qui prend place dans la diagonale du plateau, sous la lumière crue des projecteurs, dans une gestuelle faite de bras qui se lèvent vers le ciel, poignets cassés, sur la pointe des pieds, puis cambrée pour redescendre et glisser genoux au sol. Frédérick Gravel lance des boucles sonores depuis son Ipad constituant peu à peu une bande son toute en tension qui accompagne parfaitement la danse de Brianna Lombardo.
Il la rejoint pour un duo qui ira pratiquement jusqu’à la fin. Ici, pas de faux-semblants, ni de grâce surjouée. Face à face ou côte à côte, chacun prend la mesure du corps de l’autre, de ses mouvements, comme pour se l’approprier. La gestuelle passe de l’un à l’autre comme les poignets cassés, des positions de doigts dessinant comme un pistolet ou quelque autre figure christique, une manière si particulière d’aller au sol en glissant sur les genoux. Avant que, débarrasser de leurs teeshirts respectifs, ils s’emparent l’un de l’autre pour se toucher la peau, la tirer, la pincer ou bien se prendre par les cheveux dans une lutte physique qui n’est ni feinte, ni surjouée.
L’un des plus beaux moments de This Duet That We’ve Already Done est probablement celui où, la lumière se resserrant sur les deux danseurs, Brianna Lombardo se trouve assise sur la cuisse de son partenaire qui effectue alors un cercle avec elle dans un équilibre tout en tension retenue et d’une grande sensualité.
Plus tard elle le quittera pour aller s’asseoir au fond du plateau et le regarder danser car c’est lui, seul, qui clôturera la pièce, de la même manière que c’est elle qui l’avait débutée, sur le très emblématique morceau de Joy Division, Love will tear us apart (again). On ne pouvait mieux terminer ce très beau duo. On pourra juste un peu regretter, mais c’est un détail, que l’ensemble de la bande son ne soit pas toujours aussi puissante que ce final.
This Duet That We’ve Already Done de Frédérick Gravel vu le 4 avril 2018 au Théâtre de la Bastille.
Le site de la cie DLD de Fréderick Gravel