C’était hier au festival June Events de l’Atelier de Paris / CDCN : Fantasie minor du jeune chorégraphe portugais Marco da Silva Ferreira et Larsen C du grec Christos Papadopoulos qui lui n’en est plus à son coup d’essai soit deux univers bien marqués dans la programmation du festival.
Fantasie minor de Marco da Silva Ferreira.
Un plateau blanc au carré de 4m par 4m de la hauteur d’un trottoir nous rappelle ici qu’il s’agit pour les interprètes de performer, sur les quatre côtés, une danse qu’on qualifie d’urbaine, soit une danse qui, comme ne l’indique pas réellement cette appellation, se pratique tout terrain, indoor et outdoor, en club ou dans la rue sur le bitume.
Une danseuse et un danseur de blanc vêtus, grosses chaussures aux pieds, gantés de noir puis casquette vissée sur la tête s’emparent de ce carré magique au son de Fantasie in F minor de Frantz Schubert composée en 1828. Le dialogue à 4 mains de la partition pour piano trouve sa transposition dans ce dialogue que tissent entre eux les interprètes Chloé Robidoux et Anka Postic dans les différentes figures de la streetdance qu’ils explorent et développent devant les spectateurs. Le poids des corps qui se présentent courbés, jambes fléchies et ‘l’ancrage’ d’une danse qui martèle le sol avec force contraste bien évidemment avec la sensation de légèreté qui émane de la composition pour piano. Fantasie en minor joue donc de cette tension dans la rencontre d’une partition et d’une danse que tout semble pourtant opposer.
Fantasie minor de Marco da Silva Ferreira vu dans le cadre de June Events à l’Atelier de Paris le 5/06/2022.
Larsen C de Christos Papadopoulos.
On découvre un univers bien différent avec la création de Christos Papadopoulos qu’on avait pu voir au Théâtre des Abbesses en décembre dernier. A la blancheur de Fantasie minor de Marco da Silva Ferreira, succède l’obscurité de Larsen C et le caractère hypnotique d’une danse tout en déplacements et en mouvements de bras ininterrompus.
Il y a au tout début de la pièce un dos nu qui émerge de la pénombre comme un monolithe d’une blancheur immaculée surgissant de la profondeur de fonds marins. On pense alors au titre de la pièce, Larsen C, qui fait référence à cet iceberg qui s’est détaché de la banquise du pôle Sud en 2017. Avec cette image inaugurale jouant du proche et du lointain, de la lumière et de l’obscurité, le chorégraphe place d’emblée sa pièce sous le signe de l’altération de nos perceptions.
Dans la pénombre du plateau sept interprètes de noir vêtus surgissent un à un pris par intermittence dans des faisceaux de lumière avant d’être happés à nouveau par l’obscurité. Dispersés et éloignés les uns des autres, se déplaçant selon un rythme commun, ils semblent glisser, flotter ou être dans un état d’apesanteur, comme le seraient des éléments naturels soumis à leur environnement. Parfois des accents donnés de la tête, du bras, viennent rompre l’apparente régularité d’un mouvement qui paraît immuable, attestant une rupture à venir ou même déjà à l’œuvre.
Ainsi les sept interprètes se déplacent-ils et se regroupent-ils tous peu à peu, animés des mêmes mouvements, gagnant en ondulation et en amplitude, pour ne former qu’un seul grand organisme se fractionnant et se reconstituant sans cesse comme un immense banc de poissons. Mais derrière la répétition du même geste, il faut déceler les multiples nuances et variations sources de changements : accents, saccades, ralentis, accélérations, décalages. C’est dans ces infimes et subtils détails que se trouve la richesse et l’étonnante plasticité de cette danse ‘minimaliste’ magnifiée par un travail sur la lumière qui fait émerger les corps d’une pénombre maintenue de bout en bout de la pièce.
Larsen C de Christos Papadopoulos vu dans le cadre de June Events au Thâtre de l’Aquarium le 5/06/2022, Interpètes : Maria Bregianni, Chara Kotsali, Georgios Kotsifakis, Sotiria Koutsopetrou, Alexandros Nouskas Varelas, Ioanna Paraskevopoulou, Adonis Vais.
A lire notre article précédent sur Elvedon de Christos Papadopoulos.
Visuel : Larsen C © Pinelopi Gerasimou