Danses de travers et Musiques à fuir, un concert de danses de Dominique Brun en hommage à Erik Satie (1866-1925) et ses musiques de danse : des Gnossiennes à Parade en passant par John Cage et Varèse.
Derrière Danses de travers et Musique à fuir, un joli titre de Satie lui-même, se cache un concert de danse en hommage au compositeur concocté par Dominique Brun. La chorégraphe poursuit ici son travail de réactivation du patrimoine chorégraphique avec des interprètes contemporains.
Après avoir achevé un long cycle de recherches sur les chorégraphies de Nijinsky et leurs recréations, puis plus récemment avoir redonné une visibilité à Bronislava Nijinska, sœur de Nijinski, la chorégraphe rassemble dans ce nouveau programme, qui marie archives (partitions, photographies, témoignages) et réinterprétations, plusieurs courtes pièces de Satie, mais également de John Cage et Varèse.
Erik Satie / John Cage / Merce Cunningham.
Nous savons qu’Erik Satie composa la partition de Parade pour les ballets russe de Serge Diaghilev en 1917, chorégraphiée par Léonide Massine dans une scénographie de Picasso. Il allait alors de soi d’en retrouver la présence dans le programme de la soirée.
Moins évident et particulièrement fécond, le programme Danses de Travers et Musiques à Fuir nous a fait découvrir les liens qui unissent Satie à John Cage et Merce Cunningham. Dans Le Piège pour Méduse (1913), la très complète feuille de salle nous apprend que Satie glissait du papier de soie pour préparer son piano, anticipant le geste de John Cage dans ses pièces pour piano préparé. Pour créer ses Monkeys Dances Merce Cunningham s’inspira directement des annotations que Satie a fait figurer sur sa partition. Dominique Brun interprète Je te veux, une valse chantée composée par Satie en 1897, utilisée par Cunningham pour créer le solo Waltz. Ce qui fait d’Erik Satie une porte d’entrée qu’on ne soupçonnait pas sur cette modernité de la danse américaine.
Satie et le goût du cabaret.
Le programme de Dominique Brun propose donc des allers-retours, des chassés-croisés entre des figures connues et d’autres qui le sont moins. Comme celle de Valentine Saint-Point qui passe commande auprès de Satie d’une partition pour accompagner des danses sur son poème Les Pantins Dansent (1913). Ou celle de Giannina Censi avec les Aérodanses sur la partition Hyperprism de Varèse. Toutes deux furent un temps proche du futurisme de Marinetti. Ce sont deux figures majeures que l’on pouvait découvrir dans l’exposition « Elles font l’abstraction » qui eut lieu au Centre Pompidou en 2021.
Avec la pièce La Belle Excentrique, du surnom de la danseuse qui l’interpréta en 1921, on découvre un Satie particulièrement espiègle. Dominique Brun recompose une danse de cabaret influencée par le cancan, dont les pas de danse sont de moins en moins assurés à mesure que la danseuse perd ses jupons.
Parade (1917) vient clore le programme, mais sans le cheval qu’on aura vu parader auparavant durant le temps de préparation du piano pour la belle pièce Totem Ancestor (1942) de John Cage.
Nul besoin d’être féru de la danse et de son histoire pour se régaler de ce concert de danses dans lequel le jeu et l’espièglerie sont au rendez-vous. Une appréciation grandement partagée par les adultes et les enfants largement présents ce soir-là.
Danses de travers et Musique à fuir, vu le 23/05/2023 au Théâtre Berthelot, une programmation des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis.
Conception : Dominique Brun.
Musique : Erik Satie, John Cage.
Danse : Marie Orts, Roméo Agid et Clément Lecigne.
Chant : Dominique Brun.
Interprétation musicale : Sandrine Legrand, Jérôme Granjon.
visuel © avoiretadanser