“Blessed” de Meg Stuart

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Blessed de Meg Stuart/Damaged Goods & EIRA.

Cette pièce écrite en 2007 pour le danseur et chorégraphe portugais Fancisco Camacho met en scène un homme seul vêtu de blanc qui d’un pas stylisé et tout aérien déambule dans un décor de carton constitué de quelques éléments : un abri ouvert sur l’extérieur, une chaise, un cygne géant aussi haut qu’un homme, enfin un palmier. L’homme semble explorer une nature luxuriante avec une certaine nonchalance.

La bande son du compositeur Hahn Rowe, tout en sons éthérés, renforce cette atmosphère étrange d’un homme seul perdu au milieu de nulle part. Puis vient la pluie, une pluie dense et continue pendant la majeure partie du spectacle. Les éléments de décor en carton vont peu à peu s’affaisser sous l’eau ruisselante et l’abri supposé protéger connaîtra le même sort.

L’homme n’aura donc de cesse, tel un Noé désespéré, de reconstituer un abri pour se protéger, fait des bouts de cartons détrempés ramassés çà et là, et qui à peine redressés s’écroulent aussi vite. Image saisissante de cet homme qui n’abandonne jamais ni n’abdique à reconstruire malgré la précarité de sa situation. Seul moment de répit, mais s’agit-il bien de cela, une éclaircie, la pluie cesse alors qu’entre sur le plateau une danseuse parée comme une reine brésilienne prête à défiler pour le carnaval de Rio. Puis plus tard, notre homme sera vêtu par un comparse pour prendre tour à tour les attributs d’un christ triomphant deux doigts pointés vers le ciel, puis ceux d’une rock star ou de quelque autre figure avant de retourner à son état, subissant à nouveau une pluie qui n’en finira pas de tomber jusqu’à la fin du spectacle.

Meg Stuart, née à la Nouvelle Orléans, aurait été particulièrement affectée par l’Ouragan Katrina qui a touché la ville en 2005. Au-delà de cette catastrophe, on pourra voir dans Blessed, une parabole de notre monde contemporain, d’autant plus forte que la pièce semble faite de trois fois rien, de quelques cartons délavés.

Blessed de Meg Stuart/Damaged Goods & EIRA, vu le 9/02/2018 au Centre Pompidou