Avec Mycelium, Christos Papadopoulos et le Ballet de l’Opéra de Lyon livrent un spectacle minimaliste en noir et blanc, à la beauté envoûtante et totalement hypnotique.
À peine avons-nous quitté le Ballet de l’Opéra de Lyon qui présentait, il y a quelques jours encore, Canine jaunâtre 3 de Marlène Monteiro Freitas à la grande Halle de La Villette avec le festival d’Automne, que nous le retrouvons dans le très attendu Mycelium de Christos Papadopoulos au Théâtre de la Ville de Paris.
Autant Canine jaunâtre 3 de la chorégraphe capverdienne dépeint un univers expressionniste particulièrement foisonnant avec ces visages grimaçants, sa gestuelle exubérante et fragmentée, autant dans Mycélium, le chorégraphe grec Christos Papadopoulos épure le mouvement et en travaille la répétition comme un flux continu de connexions et d’informations à l’image de cette partie souterraine des champignons constituée d’un réseau de filaments dont il s’est inspiré pour composer ce ballet qui en porte le nom : Mycélium. On sait le chorégraphe particulièrement attentif aux phénomènes naturels dans lesquels il puise pour composer ses pièces (la murmuration des oiseaux, les bancs de poissons, la dérive de glacier).
Mycelium, la nature comme proposition chorégraphique.
Un premier danseur, vêtu d’une matière sombre, émerge progressivement d’un noir d’encre. Dans une légère ondulation des bras et du haut du corps, il se déplace et parcourt le plateau, par petits pas chassés, donnant cette impression de glisser sur le sol, ses pieds restant dans la pénombre. Il est bientôt rejoint par les danseuses et danseurs du ballet au complet, bras ondulants de la même manière, qui d’un léger déhanché du bassin se déplacent par petits pas de cour à jardin et inversement selon des lignes parallèles mouvantes. Réparti.es sur toute la largeur et la profondeur du plateau, ils/elles se meuvent devant nous comme la houle d’une mer agitée par une nuit sombre.
Cause commune et corps commun.
Se rassemblant peu à peu, ils et elles vont synchroniser leurs pas, leurs mouvements de bras et leurs déplacements. Ce grand corps commun, constitué des multiples ramifications de ses interprètes, se déplace alors à l’unisson, modifie son orientation dans de légères diagonales, ou autres infimes variations, tels des accents donnés à des mouvements d’épaule ou de tête. Mais toujours, le regard des interprètes reste frontal, face au public et le restera durant toute la pièce, quels que soient les déplacements et les orientations que prennent les corps. Dans Mycelium, les interprètes se doivent de maintenir, ‘en aveugle’ et en permanence, un système de communications et d’interactions capable de garder la cohésion d’un corps organique.
La partition musicale de Coti K est à l’image de la chorégraphie : une pulsation en perpétuelle évolution. Elle se colore peu à peu rythmiquement, prend des accents reichiens, et devient plus électronique à mesure que la danse gagne en ampleur et s’accélère (les petits pas chassés laissent la place à de plus grandes enjambées, les corps trouvent de nouvelles inclinaisons) et entre dans de grands mouvements d’ensembles qui se rejoignent et se séparent dans une boucle infinie et hypnotique sous les lumières d’Eliza Alexandropopoulou qui en magnifient les différents tableaux dont l’un particulièrement réussi donnant un aspect moiré au fond de scène.
Avec Mycelium, Christos Papadopoulos signe une pièce fascinante, hypnotique, au parti pris minimaliste et combien radical. Less is more.
Mycelium de Christos Papadopoulos vu le 21 décembre au Théâtre de la Ville de Paris.
Chorégraphie : Christos Papadopoulos.
Assistant à la chorégraphie : Georgios Kotsifakis.
Musique : Coti K.
Lumières : Eliza Alexandropoulou.
Costumes : Angelos Mentis.
Maîtresse de ballet : Amandine François.
Ballet de l’Opéra de Lyon, direction : Cédric Andrieux.
Avec en alternance 24 danseurs.
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