Lorsque le public entre dans la salle, les sept danseuses sont déjà présentes au plateau, totalement nues. Elles s’affairent à diverses poses, se croisent, se sourient, mangent quelques fruits, pommes ou raisins, qu’elles recrachent presque aussitôt avec malice. Le sol est jonché de ces restes épars. La nature semble avoir ici repris ses droits. Cela ressemble un peu à un petit paradis qui ne serait habité que par des femmes.
C’est le domaine des Amazones, femmes libres et guerrières. Mais de guerre ici, il n’y en a point, ou bien seulement évoquée par certains mouvements de corps, par le plat du pied qui vient frapper le sol bruyamment, ou par ces mains qui se frappent la poitrine et les cuisses comme pour effrayer un ennemi à venir. Hormis ces moments, ces amazones baignent dans une douce sororité où la figure du cercle domine. On pense à la danse de Matisse et aux documents photographiques de danse libre du début du XXᵉ siècle comme ceux de Monte Verita.
Tisser la puissance et la douceur.
Au début de la pièce, il y a cette ligne en fond de scène où, se tenant par les bras, les danseuses alternent mouvement du haut du corps comme on peut le voir dans le krump et mouvement du bassin comme celui d’une danse du ventre. Tout est dit dans ce jeu entre puissance et douceur et toute la pièce conjugue et tisse ces deux éléments en permanence. La bande son alterne de la même manière la voix puissante de la rappeuse sud-africaine Dope Saint-Jude et celle plus apaisée de la comédienne Lucie Boscher lisant des extraits de Agrapha de l’autrice Luvan.
C’est à la lecture du livre de Monique Wittig, Guérillières que Marinette Dozeville, qui s’intéresse aux représentations féminines laissées pour compte, s’est attaquée à celles de ces AMAZONES, affirmant avec sa chorégraphie pour un collectif de danseuses toute la puissance de la sororité.
Conception et chorégraphie Marinette Dozeville. Interprétation Léa Lourmière, Elise Ludinard, Florence Gengoul, Frida Ocampo, Delphine Mothes, Lucille Mansas, Dominique Le Marrec.
Amazones sur le site de la compagnie.
Amazones de Marinette Dozeville vu au Carreau du Temple le 02/02/2022.