TOUT-MOUN de Fattoumi et Lamoureux

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Avec TOUT-MOUN, les chorégraphes Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, à la direction de Viadanse le centre chorégraphique de Belfort, rendent hommage au poète et philosophe martiniquais Édouard Glissant et à son concept de créolisation des cultures.

TOUT-MOUN Hela Fattoumi - Eric Lamoureux
TOUT-MOUN © Laurent Philippe

Lorsque le noir se fait dans la salle, Raphaël Imbert, saxophoniste réputé dans le milieu du jazz, souffle dans son instrument pour en tirer comme une respiration naissante avant d’entrer dans un phrasé bien plus rythmé. Une première danseuse pénètre sur le plateau suivie peu à peu par les neuf autres interprètes. Certain.es sont paré.es de décorations corporelles qui les font ressembler à de petits animaux étranges. Ils dansent entre des lianes qui pendent au milieu du plateau. En fond de scène une projection de couleur nous plonge dans une nature peu commune.

D’abord en solo puis en duo, ils se saisissent de ces lianes qu’ils croisent entre elles, par dessus et par dessous, comme les cordages d’un navire encore un peu fragile. Puis ils les détressent pour en faire les voiles d’une embarcation prête alors à nous emmener dans un périple de danse, de musique, de chants et de rythmes au travers des paysages d’une nature luxuriante projetée sur le plateau.

Danse, chants, musique, projections.

TOUT-MOUN est un terme créole qui signifie “tout un chacun, toute personne, tout le monde” et fait référence à Tout-Monde, ouvrage d’Édouard Glissant qui a tant développé la notion de créolisation comme métissage culturel producteur d’imprévisible. C’est lui qu’on entend en voix off au cours du spectacle évoquer la nécessaire connaissance du monde, des imaginaires et de leurs différences.

Qui mieux alors que ces dix interprètes venant de cultures et d’horizons divers pour magnifier cette force du métissage ? Ils sont malgaches, égyptiens, marocains, tamouls ou français. Ils ont déjà dansé pour beaucoup dans de précédentes pièces de la cie Fattoumi & Lamoureux comme AKZAK et EX-POSE(S). Dans TOUT-MOUN, ils hybrident avec brio leurs danses et langues respectives sur les compositions et les rythmes du musicien de jazz Raphaël Imbert, assisté de Benjamin Lévy au programme informatique. Le jazz n’est-il pas lui-aussi le résultat de la créolisation ? “La musique de jazz est un inattendu créolisé” livrait Glissant dans un article du monde en date de 2011.

La danse chorale de TOUT-MOUN, incisive et joyeuse, réjouissante dans ses échappées belles, s’est déployée à merveille sur les terres de ce continent inattendu, celui du métissage et de la créolisation et a embarqué avec lui tout le public de Chaillot ce soir-là.

Conception : Héla Fattoumi & Éric Lamoureux.
Chorégraphie en collaboration avec les interprètes : Sarath Amarasingham, Meriem Bouajaja, Juliette Bouissou, Mohamed Chniti, Chourouk El Mahati, Mohamed Fouad, Mohamed Lamqayssi, Johanna Mandonnet, Angela Vanoni, Yaël Réunif.
Composition musicale et interprétation : Raphaël Imbert. 
Réalisateur en informatique musicale : Benjamin Lévy.

TOUT-MOUN de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux vu le 10 janvier à Chaillot. A voir jusqu’au 12/01