Les Petites joueuses de François Chaignaud, un petit bijou d’orfèvrerie dans un temps suspendu en plein cœur historique du Musée du Louvre.
À l’invite du festival d’Automne en 2022, Anne Teresa de Keersmaker et Némo Flouret investissaient l’Aile Denon du Musée du Louvre avec Forêt, une grande traversée de la peinture française et italienne (lire article). Cette année, c’était au tour du danseur et chorégraphe François Chaignaud d’être l’invité conjoint du festival et du musée pour une traversée d’un tout autre ordre, une flânerie intime dans un lieu dépourvu d’œuvres. Ni penture, gravure ou statuaire à contempler dans ce qui est nommé le Louvre médiéval. Ce sont les douves et fortifications de l’ancienne forteresse sur laquelle fut construit le musée qui ont accueilli les Petites joueuses de François Chaignaud durant une dizaine de jours.
Pour goûter pleinement à cette aventure, c’est un.e par un.e que spectateurs et spectatrices étaient invité.es à pénétrer dans ce lieu souterrain qui, habituellement, sert de passage pour gagner les galeries égyptiennes et dont le sens de circulation était inversé pour l’occasion. Déjà là un premier trouble s’installait, une légère perte de repère pour les habitués du lieu.
L’air et le souffle comme partenaires de jeu des Petites joueuses.
Dans ces fossés qu’on imaginait remplis d’eau il y a bien longtemps, deux ballonnées espiègles (Samuel Famechon et Pierre Morillon) jouaient à se renvoyer des ballons de baudruche, vêtues de justaucorps et jambières rouges et encapuchonnées comme le veut la traditionnelle représentation du fou à l’époque de la Renaissance. Plus loin, l’exhalée (Maryfé Singy) grimpée sur ses marottes nous précédait en contrebas, indiquant le chemin à suivre pour découvrir l’insufflée (Cassandre Muñoz) tout en légèreté et délicatesse aérienne. Puis le chœur ensorcelant et chantant des fumeuses (Cécile Banquey, Florence Gengoul, Marie Picot et Ryan Veillet) nous attirait plus loin, cachées tout en haut des remparts alors que la vibrante (Abigail Fowler) veillait sur un élevage d’objets aquatiques tout à fait singulier. Passer l’angle des anciennes douves, les éventées (Esteban Appessèche, François Chaignaud, Antoine Roux-Briffaud), sous l’emprise de quelques folies, enchainaient danses mauresques, courses débridées et sarabandes. La soufflante (Marie-Pierre Brébant) et son concertina fermait la marche de cette déambulation d’un autre temps.
L’air, le souffle (le vent de folie) étaient le fil conducteur des jeux de ces Petites joueuses : ballons, toile de parachute qui se gonfle comme un poumon, longues pailles pour souffler dans des récipients d’eau, aspirateurs clitoridiens, instruments de musique à soufflet, et bien sûr les chants polyphoniques couvrant un répertoire du XIVᵉ au XVIᵉ siècle.
Dans cette parenthèse spatio-temporelle, chacun.e eut loisir de s’arrêter, de revenir sur ses pas, de prendre le temps de regarder ces figures ancestrales mystérieuses, de se laisser ensorceler par leurs chants, et de méditer sur ces instants partagés avec ses folles d’un autre temps.
Petites joueuses de François Chaignaud, une performance en continu jusqu’au 16 novembre, offrait un contre point sensible à l’exposition Figures du Fou du Moyen Âge aux Romantiques, qui restera accessible aux visiteurs du musée jusqu’au 3 février 2025.
Petites joueuses de François Chaignaud, vu le 14/11/2025 au Musée du Louvre.
Distribution et Conception : François Chaignaud
Avec : Esteban Appeseche, Cécile Banquey, Marie-Pierre Brébant, François Chaignaud, Samuel Famechon, Florence Gengoul, Pierre Morillon, Cassandre Muñoz, Marie Picaut, Alan Picol, Antoine Roux- Briffaud, Maryfé Singy, Ryan Veillet.
Création et régie lumières : Abigail Fowler.
Régie costumes : Alejandra Garcia.