L’héritage de Mary Wigman en France : Karin Waehner, Jérôme Andrews et Jacqueline Robinson, une exposition de photographies.
Les portes de la galerie Le Fil Rouge se sont refermées ce samedi 10 mai sur l’exposition La danse, une histoire de transmission qui mettait à l’honneur Karin Waehner, Jérôme Andrews et Jacqueline Robinson, trois figures emblématiques de la danse en France sous l’influence de Mary Wigman. Un évènement dont l’ouverture le 29 avril s’était judicieusement calé sur la journée internationale de la danse.

Dans un accrochage sobre de photographies prises entre les années 1960 et les années 80, encadrées plein cadre, cette exposition à l’initiative d’Odile Cougoule souhaitait, une fois n’est pas coutume, aborder la question de la transmission en danse à partir de documents photographiques, complétés par la projection de films et la présentation de divers autres documents tels : affiches, programmes, articles de presse et témoignages.
L’accrochage proposait ainsi plus d’une trentaine de photographies évoquant trois personnalités marquantes du paysage chorégraphique en France à compter des années 1950 : Karin Waehner, Jérôme Andrews et Jacqueline Robinson. De différentes nationalités, allemande pour la première, américaine pour le second et irlandaise pour la troisième, ils se sont pourtant rencontrés à Paris pour créer ensemble la compagnie les Compagnons de la danse en 1953, développant séparément par la suite leurs propres créations et activités pédagogiques à la Schola Cantorum pour Karin Waehner, à l’Atelier de la Danse pour Jacqueline Robinson et au studio de la Baleine et la Ménagerie de verre pour Jérôme Andrews.
Karin Waehner, Jérôme Andrews et Jacqueline Robinson : l’héritage de Mary Wigman.
Mais avant ce moment de rencontre, l’exposition montrait parfaitement qu’ils eurent comme point de convergence la fréquentation assidue de l’enseignement de Mary Wigman. Tout d’abord auprès de quelques-unes de ses élèves et surtout directement au contact de la chorégraphe elle-même, à la fin des années 40 pour Karine Waehner, au début des années 50 pour les deux autres.
Ainsi pouvait-on découvrir dans l’exposition deux photographies qui illustraient parfaitement cette proximité presque filiale. Dans l’une, Mary Wigman, d’un âge déjà avancé, a le bras passé autour du cou de Karin Waehner qui lui tient la main ; dans l’autre, Jérôme Andrews et Karin Waehner sont photographiés tous deux sous un grand portrait de Wigman, figure tutélaire. Enfin, un troisième cliché montrait Waehner, Andrews et Robinson, tous les trois enlacés tout sourire. Petites images photographiques qui en disent long pourtant d’une relation forte qu’ils ont entretenue durant de très longues années jusqu’à leurs disparitions.
Danse, mémoire et transmission à travers une exposition de photographies.
Sur le mur principal de la galerie étaient accrochées des photographies majoritairement en noir et blanc, réparties en trois sections courant sur deux lignes horizontales. Chacune des sections, accompagnée d’une notice biographique, étaient ‘annoncée’ par un portrait de grand format de ces trois chorégraphes, entouré des photographies de quelques-unes de leurs créations et celles de leurs ‘descendants’.
Dans la première section dévolue à Karin Waehner, le photographe Jo Babout a figé la danseuse dans un mouvement dynamique, presque en élévation, le corps désaxé. Ce cliché a été pris en 1964 dans l’Atelier de la Danse de Jacqueline Robinson. Pour la section de Jérôme Andrews, le portrait est plus tardif (1981) et plus austère. Le chorégraphe assiste à une répétition de la création Mystère corybantique. Quant au très beau portrait de Jacqueline Robinson, le photographe, dans un reportage à l’Atelier de la Danse daté des années 67-68, l’a saisie allongée sur le sol face à un masque blanc.
Un masque qui évidemment fait écho à celui de Mary Wigman que celle-ci portait entre autre dans sa danse de la sorcière. Une danse que l’on pouvait justement voir dans un montage d’archives diffusé en continu dans l’exposition. Ce qui faisait par ailleurs le lien avec un des murs latéral de la galerie sur lequel étaient présentées des photographies de créations dans lesquelles les interprètes se présentaient porteurs d’un masque.
À travers cette sélection de photographies le public a pu découvrir de quelle manière l’enseignement de Mary Wigman, initiatrice dès les années 20 en Allemagne de ce qu’on appelle « danse d’expression », a trouvé auprès de Karin Waehner, Jérôme Andrews et Jacqueline Robinson des relais en France à partir des années 1950, ce qui a considérablement modelé le paysage chorégraphique qui suivi comme invitent à le comprendre les clichés des pièces Noces (1989) d’Angelin Preljocaj, ou Nu perdu (1986) et Automnales (1986) de Christine Gérard. L’ensemble des photographies témoignent de cette expressivité des corps, hors de toute considération technique, à la recherche de l’essence du mouvement.
Au-delà des documents photographiques, l’exposition étaient enrichies de projections cinématographiques. Chaque jour à 17h, le public pouvait découvrir le film Jérôme Andrews, forwards and backwards réalisé par n+n Corsino, offrant un regard approfondi sur l’un des protagonistes de cette transmission. De plus, une soirée spéciale le 6 mai à 20h30 fut consacrée à la projection du documentaire L’empreinte du sensible, dédié à Karin Waehner, permettant de saisir la profondeur et l’importance de son apport artistique et pédagogique. On aurait aimé avoir un équivalent filmique concernant Jacqueline Robinson.
En se concentrant sur l’héritage de Mary Wigman et son impact sur Karin Waehner, Jérôme Andrews et Jacqueline Robinson, figures clés de la danse en France, l’exposition La danse, une histoire de transmission offrait un témoignage tout à fait original par son choix de photographies en grande partie inédites, rassemblées pour la première fois en un même lieu. Nul doute que cette exposition devrait pouvoir trouver d’autres développements dans le futur.
L’Exposition La danse, une histoire de transmission s’est tenue du 29/04/25 au 10/05/25 à la galerie le fil rouge.
Le site de la cinémathèque du documentaire à consulter : CNC.