“Nous n’interprétons rien, nous faisons quelque chose. Toute interprétation appartient à celui qui regarde”.
Cette phrase que Merce Cunningham prononce à propos de sa danse dans ce très beau film qui lui est consacré est une de celles qui pourrait être placée en exergue. Elle rappelle que ce chorégraphe n’a jamais cessé de revendiquer l’autonomie de la danse par rapport aux autres arts et en tout premier lieu d’avec la musique. On pourrait voir là un paradoxe sachant que son compagnonnage avec les musiciens de son époque et John Cage en tout premier lieu fut constant.
Mais le film est là pour nous le rappeler : refuser la subordination de la danse à la musique ce n’est pas renoncer à leur rencontre mais bien au contraire favoriser des échanges sur un même pied d’égalité. Ce qui est vrai de ce rapport de la danse et de la musique, l’est aussi concernant les arts plastiques. Et c’est tout l’intérêt de ce film de s’être consacré à une période très précise qui va de 1942 à 1972, soit finalement les débuts de Cunningham comme chorégraphe avec la naissance de sa compagnie et ses collaborations décisives avec le musicien John Cage et le peintre Robert Rauschenberg, jusqu’au départ de ce dernier en 1964 suivi de celui des premières danseuses de la compagnie au début des années 70.
A partir de documents d’archives, de films, des paroles des principaux acteurs de cette période, la reconstitution de fragments de ballets en des lieux inattendus comme cette vue aérienne sur le toit du studio de danse, ce solo dans un long tunnel, ou des prises de vues en pleine nature, la réalisation de ce documentaire restitue un moment particulièrement fécond de l’histoire de la danse.