Rêche de Myriam Gourfink, un éloge de la douceur.
Nous avions laissé Myriam Gourfink à la Sainte Chapelle du Château de Vincennes en 2021 avec sa très belle pièce Structure Souffle (lire notre article). On l’a retrouvée dans un lieu tout aussi emblématique, au cœur du Panthéon, où elle présentait, à l’invitation du festival d’Automne, Rêche sa dernière création pour sept interprètes.
Dans Structure souffle, huit danseuses se déplaçaient debout en gardant leur verticalité. Avec Rêche, il en est tout autrement, car c’est ancrés au sol que les interprètes devront négocier leurs déplacements.
Le souffle.
Rêche débute ainsi : chaque interprète, dans un ordre donné, entre à tour de rôle et se dépose au sol au centre d’un dallage de marbre comme une marqueterie précieuse. Les suivant.e.s font de même, y ajoutant un contact avec les corps déjà placés. Là un bras s’appuie sur une épaule, une jambe trouve son chemin entre deux autres corps. Ainsi s’organise un regroupement, comme un amas de corps qui resteront en contact constant durant tout le temps de la performance selon une partition précise écrite par la chorégraphe. Par un processus lent de contractions et d’expansions infimes, telle la respiration pulmonaire, des modifications lentes apparaissent, le paysage se transforme pris dans ce processus de flux et reflux continus.
Dans Structure souffle, la verticalité des interprètes dessinait des pleins et des creux. Le regard pouvait traverser les espaces laissés vacants entre les corps qui maintenaient toujours un contact. Dans Rêche, le regard plongeant du spectateur se “heurte” à la masse corporelle qui fait en quelque sorte écran. À tel point qu’il est quelquefois difficile de savoir à qui appartient cette main qui surgit ou cette jambe qui s’élève. Mais peu importe. On pense alors à quelque grand ensemble de corps sculptés dans le marbre blanc, en accord avec le lieu.
Présence commune.
Pourtant, de cet amas brut, rêche pour le moins, se dégage, dans la lenteur des gestes, toute la délicatesse des touchers, des effleurements, des contacts nécessaires pour se soutenir l’un.e l’autre. Comme toujours chez Myriam Gourfink, tout est question de rendez-vous, soit, pour les interprètes, la nécessité d’une présence et d’une écoute à soi et à l’autre pour être aux rendez-vous des contacts de chacun.e, afin de maintenir la respiration et le déplacement de ce grand corps commun, non seulement au sol, mais aussi dans ces moments d’élévations, comme avec cette forêt de bras qui semblent vouloir s’envoler, ces jambes qui pointent vers le ciel, ou ce dos cambré posé en équilibre sur les pieds d’une autre. Porté par la composition musicale vibratoire de Kasper T. Toeplitz d’un côté et les percussions scintillantes de Didier Casamitjana de l’autre, Rêche de Myram Gourfink est, aussi pour le spectateur, comme un voyage en état d’apesanteur.
Rêche de Myriam Gourfink, vu au Panthéon le 29/09/2024 avec le festival d’Automne.
Interprètes : Esteban Appesseche, Suzanne Henry, Noémie Langevin, Deborah Lary, Matthieu Patarozzi, Annabelle Rosenow et Véronique Weil.
Composition musicale : Kasper T. Toeplitz.
Percussions : Didier Casamitjana.