In C de Terry Riley chorégraphie de Sasha Waltz & Guests.
Suite à un travail avec Chet Baker sur la répétition de boucles musicales, Terry Riley compose In C en 1964, soit une partition de 53 phrases, motifs ou fragments mélodiques d’une seule note ou plus et de différents rythmes. Les instrumentistes ont toute liberté d’enchainer ou répéter ces modules comme ils le souhaitent. Ainsi, ces boucles se superposent de manière aléatoire selon le choix que font les instrumentistes. La partition composée en do majeur donne le titre à la pièce
Steve Reich, qui répétait avec Terry Riley, lui propose d’introduire dans la composition qui n’avait pas de rythme défini à l’origine une pulsation rythmique à la croche. C’est ainsi que les deux musiciens accompagnés de quelques autres amis instrumentistes présentent In C en 1964 au Tape Music Center de San Francisco, faisant de In C une pièce historique des débuts du minimalisme.
Compositions musicale et chorégraphique.
La Chorégraphe Sasha Waltz s’est emparée de la partition du compositeur pour en réaliser une chorégraphie lumineuse sur le plateau de la Philharmonie de Paris, avec 13 danseurs accompagnés des musiciens de l’Ensemble intercontemporain. Elle applique à la partition chorégraphique la règle de composition des 53 phrases définie par Terry Riley, soit 53 modules chorégraphiques que les danseurs peuvent répéter et enchainer avec des variations d’orientation selon leurs propres décisions, et cela, indépendamment des choix opérés par les instrumentistes eux-mêmes. Aussi, si les principes de compositions sont très proches, la danse et la musique ne se “superposent” pas pour autant. Et chaque représentation constitue un moment unique tant musical que chorégraphique.
In C de Sasha Waltz, une chorégraphie du flux.
Pour les représentations qui se sont tenues à la Philharmonie de Paris, danseurs et musiciens entraient de concert sur le plateau dans la pénombre, leurs silhouettes sombres se détachant sur un fond d’écran de scène totalement rouge. À la suite d’une série de marches et de déplacements amenant à des regroupements aussi vite dissous, les 13 danseuses et danseurs se regroupaient finalement à jardin alors que les musiciens, ayant pris place à leurs pupitres, attaquaient les premières notes de la partition. Les interprètes sortaient alors de l’obscurité pour apparaître dans des tenues majoritairement vives et colorées.
D’un petit roulement d’épaule et rotation de tête répétés, ils et elles entraient progressivement dans la partition chorégraphique. Chorégraphie dynamique au rythme constant, évoluant graduellement d’une phrase à l’autre selon différentes modalités d’orientation et d’occupation de l’espace scénique (jusqu’aux bords de plateau peu éclairés, dans la proximité des musiciens, ou en sorties brèves de scène), desquelles émergeaient comme par surprise des unissons par grappes et plus rarement avec la totalité des interprètes. Se donnait alors à voir une chorégraphie à la fois souple et tonique, et inexorablement toujours changeante. Derrière eux, le fond de scène se paraît de couleurs aussi lumineuses que leurs tenues de scène.
Une chorégraphie entre contrainte et liberté.
Les 13 interprètes donnaient à voir leur connivence et leur plaisir à danser ainsi, à se retrouver sur une même phrase chorégraphique, comme un rendez-vous réussi, avant de se séparer et de repartir vers une nouvelle aventure. Car dans In C de Sasha Waltz la liberté s’exerce toujours à l’intérieur de ce protocole précis, calqué sur celui de la composition musicale : parcourir ces 53 phrases, qui en constituent l’ossature, sans jamais revenir en arrière. Comme le souligne la chorégraphe dans le livret de présentation distribué à l’entrée en salle : “Ma partition laisse une certaine liberté aux interprètes à l’intérieur d’une composition collective au cadre régulé.(…) la pièce se focalise sur la dynamique de groupe plutôt que sur l’individu. Elle reflète la relation entre les décisions individuelles et les choix de l’ensemble. Il faut prendre des décisions à tout instant, sans jamais rien pouvoir planifier.”
De ce point de vue, In C de Sasha Waltz est aussi une formidable réussite, accompagnée magistralement par l’Ensemble intercontemporain.
In C – Terry Riley & Sasha Waltz & Guests à la Philharmonie de Paris le 19/06.
Sasha Waltz : concept et chorégraphie, avec l’Ensemble intercontemporain.
Ecouter En Do Majeur : Terry Riley, In C sur France Musique.