Close Up de Noé Soulier

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Close Up de Noé Soulier : voir le tout et la partie.

Close Up de Noé Soulier est une commande du festival d’Avignon qui y fut présentée en 2024. Le chorégraphe revient à Paris avec cette création pour six interprètes, cinq danseuses et un danseur, accompagné·e·s sur scène par l’orchestre baroque Il Convito de Maude Graton sur un choix de partitions de Jean-Sébastien Bach dont l’Art de la fugue.

Avec Close Up, Noé Soulier, actuel directeur de CNDC d’Angers, poursuit sa recherche sur le mouvement. Une recherche entamée il y a plusieurs années déjà, à partir de verbes d’actions tels lancer, éviter, frapper et attraper, et dont il retire tout but pratique. Ce à quoi il faut ajouter que toutes les parties du corps des interprètes sont aussi convoquées pour réaliser ces actions.

Close Up de Noé Soulier
Close Up, Noé Soulier © Christophe-Raynaud-Delage

Dès les premières notes, l’entame est saisissante de virtuosité et d’énergie de la part des six interprètes, vêtus simplement en jean – T-shirt, qui installent un dialogue immédiat et fécond avec la partition contrapuntique de Bach. Un court premier solo est vite rejoint par les autres interprètes. Les arrivées comme les sorties de scène s’égrènent avec le plus grand naturel. Jouant d’une composition en alternance à la manière d’une partition polyphonique, il et elles entrent et disparaissent du plateau, quittant ou reprenant la danse là où elle se déroule. Les unissons par petits groupes de deux ou trois se font et se défont avec fluidité, dans une composition en ‘pointillé’ déjà remarquée dans First Memory. Depuis cette création-ci, le chorégraphe a développé et poussé son vocabulaire un peu plus loin en « basculant » les corps pour en renverser la verticalité, comme avec les nombreux passages au sol et les positions en équilibre dans lesquelles les corps se désaxent.

Lorsque les cinq musiciennes de Il Concerto ne jouent pas, le plateau se remplit alors des souffles sonores des interprètes, dessinant une autre partition musicale directement connectée à l’effort des corps en action.

Zoomer sur des corps dansant.

En 2022, dans le cadre du Festival d’Automne, la Bourse de Commerce présentait Fragments un film de Noé Soulier qui proposait des images de danseuses et danseurs dans un cadrage serré, permettant au spectateur d’accéder alors à un niveau de détail auquel il n’a pas accès habituellement lors d’un spectacle.

close up de Noé Soulier
Close Up, Noé Soulier @ Delphine Perrin

Close Up réintroduit cette approche du détail dans la dernière demi-heure du spectacle grâce à un dispositif de prise de vue autonome. Une caméra fixée sur pied filme de près, à travers un cadre placé au niveau de la taille, les interprètes dansants devant un fond blanc. Les images sont retransmises en temps réel sur un écran géant placé au-dessus du plateau. Le spectateur a ainsi accès à deux niveaux de lecture : celui du tout et celui du fragment agrandi et projeté. Dans ce dispositif, ce sont les interprètes qui décident de ce qui entre dans le cadre, dans un renversement tout à fait inhabituel, mais aussi troublant puisque les corps sont dans une grande proximité. Cette expérience est un peu celle que l’on peut avoir face à une œuvre peinte lorsqu’on s’approche au plus près, intrigué par un détail que l’on souhaite saisir au mieux.

Maintenant le cap d’une danse abstraite sans être formaliste, ni narrative sans pour autant renoncer à une certaine expressivité, Noé Soulier construit, avec Close Up, une chorégraphie d’une grande intensité dans le prolongement de First Memory et créé une pièce dans laquelle polyphonies chorégraphique et musicale cheminent de concert avec bonheur.

Close Up de Noé Soulier & Maude Graton, vu le 11/03/25 au Théâtre de la Ville, une programmation Chaillot-nomade.
Conception et chorégraphie : Noé Soulier.
Direction musicale Maude Gratton.
Musique Jean-Sébastien Bach, L’Art de la fugue, Andante extrait de la sonate n.2 pour violon seul.
Interprétation : Stéphanie Amurao, Nangaline Gomis, Yumiko Funaya, Samuel Planas, Mélisande Tonolo, Gal Zusmanovich.