Organon de Noé Soulier et Tarek Atoui

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Avec Organon, Noé Soulier et Tarek Atoui ont conçu une installation-performance dans laquelle danse et composition sonore sont intrinsèquement liées.

Organon est une création chorégraphique et sonore née de la collaboration du chorégraphe Noé Soulier, actuel directeur du CNDC d’Angers, et du plasticien Tarek Atoui, présentée à la Ménagerie de Verre du 9 au 12 octobre 2025 dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, du festival les Inaccoutumés, en partenariat avec le Centre Pompidou. Ces deux-là se connaissent depuis longtemps, mais c’est la première fois qu’ils conçoivent un projet en commun dans lequel sont étroitement associées, corrélées même, composition sonore et composition chorégraphique.

Organon de Noé Soulier et Tarek Atoui : des sculptures sonores à activer.

En entrant dans le grand studio de la Ménagerie de verre, on découvre divers dispositifs sonores répartis dans l’espace : plaques de métal suspendues et sculptures sonores constituées d’éléments assemblés (métal, pierre, tuyaux, objets divers, jouets mécaniques, câbles, etc.)

Organon de Noé Soulier et Tarek Atoui
Organon de Noé Soulier et Tarek Atoui © Anna van Waeg

Au fond du studio, alors que le public prend place sur les gradins, praticables, ou plus sommairement sur le sol, l’une des danseuses, Mélisande Tonolo, active déjà l’un des dispositifs sonores constitué de pads. Jouant de toutes les parties de son corps (mains, pieds, genoux, visage), elle génère et module des sons selon le toucher et les pressions qu’elle exerce sur eux. Elle est bientôt rejointe par Stéphanie Amurao, Yumiko Funaya, Nangaline Gomis, Samuel Planas, et Gal Zusmanovitch. Regroupé·es sur ce petit espace, les six interprètes forment de la sorte une sculpture mouvante qui, selon sa configuration et les différentes pressions exercées, sculpte la texture sonore en temps réel dans une infinité de combinaisons.

Une orchestration sonore et chorégraphique.

Ainsi débute Organon, une performance qui met en résonance les installations sonores de Tarek Atoui avec la gestuelle et les mouvements des interprètes dans une orchestration commune. Le principe fondateur d’Organon est ainsi de faire du corps de l’interprète le principal outil (l’organon) de la création sonore générée en temps réel.

Si certains dispositifs sont autonomes dans leurs productions sonores (gouttes d’eau tombant avec régularité sur une cymbale de batterie, jouets mécaniques se déplaçant sur un énorme tambour), ils nécessitent pourtant d’être activés et désactivés par les interprètes selon une partition établie.

Par contre, d’autres dispositifs exigent un engagement physique soutenu pour générer du son. Le frottement continu de la main sur un abreuvoir rempli d’eau, le déplacement d’un contact électro-magnétique sur une plaque de métal, ou la variation de la pression sur une surface humide sont autant d’actions qui lient directement la qualité du geste à l’intensité et à la texture du son produit. L’interaction la plus intime et surprenante reste le contact peau contre peau de deux danseuses, transformant leur proximité en source sonore.

Structure de la composition et liberté du geste.

La réussite de la collaboration entre Noé Soulier et Tark Ataoui réside dans l’équilibre délicat maintenu entre une structure de composition précise et la liberté d’intervention des danseur·euses. Car il y a toujours, à l’intérieur de cette structure, cette part d’aléa appartenant aux interprètes dans les modalités d’actions sur les dispositifs sonores. La danse les active. Elle dialogue, joue et s’immisce entre eux, dans des séquences chorégraphiques où les corps, seuls ou imbriqués, en résonance avec la matière sonore, tiennent par un jeu d’équilibres instables.

La pièce culmine par un sextet dans lequel les interprètes, dispersé·es dans l’espace de l’installation, rejoignent progressivement une séquence de mouvements, comme une petite improvisation initiée seule par Stéphanie Amurao, pour terminer à l’unisson sur une boucle sonore entêtante. Un final tout en fragilité et en suspension, à l’image de l’ensemble de la performance.

En faisant du corps et des gestes des interprètes « l’organon », l’outil principal de la création sonore, la pièce propose une orchestration imbriquée. La réussite réside dans cet équilibre délicat et cette tension entre le geste qui sculpte le son et la danse qui, déployée dans l’espace, entre en résonance avec la matière sonore, offrant une expérience singulière.

Organon de Noé Soulier et Tarek Atoui vu le 11 octobre à la Ménagerie de verre.
Conception : Noé Soulier, Tarek Atoui.
Interprétation et collaboration artistique : Stéphanie Amurao, Yumiko Funaya, Nangaline Gomis, Samuel Planas, Mélisande Tonolo, Gal Zusmanovitch.
Assistante : Julie Charbonnier.

Visiter le site du CNDC Angers.

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