3h33 in my room (through the window) de Chris Fargeot

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Le solo 3h33 in my room (through the window), première création de la danseuse Chris Fargeot, bénéficie d’une double programmation en l’espace de quelques jours. Tout d’abord à la Villette dans le cadre du plateau partagé Freestyle Villette (Step 1) les 14 et 15 novembre et au festival Immersion danse de l’Onde théâtre le 18 novembre.

Chris Fargeot est une danseuse et chorégraphe française dont le parcours se distingue par une riche hybridation entre formation classique et danse hip-hop, et plus précisément la pratique du breaking. Elle s’est par ailleurs faite remarquer comme interprète chez Ousmans Sy (One Shot), dans Témoins de Saïdo Lehlouh (qui sera programmé en 2026 dans le festival Faits d’hiver), chez Marion Motin (Narcisse), Carmel Loanga, etc.

Elle est accompagnée par la structure Danse Dense et fait partie depuis 2024 du dispositif IADU (Initiatives d’Artistes en Danses Urbaines) de La Villette, un soutien essentiel pour les jeunes chorégraphes. C’est donc une jeune artiste bien repérée maintenant qu’il convient de suivre avec attention comme le montre cette première création.

Dans la chambre de Chris Fargeot.

Pour 3h33 in my room (through the window), Chris Fargeot est accompagnée en live de la musique électronique et acoustique composée par Ulysse Zangs, musicien et danseur. C’est lui que l’on voit s’installer en premier en fond de scène, derrière une batterie et des machines électroniques, encadré par l’ouverture partielle d’un rideau de scène. Ce dispositif scénique ingénieux le fait apparaître dans un espace éloigné, secondaire, comme par l’embrasure d’une porte-fenêtre ouverte.

3h33 in my room (through the window) Chris Fargeot
Chris Fargeot, 3h33 in my room (through the window) © David Le Borgne

Sur le plateau, toute lumière éteinte, Chris Fargeot dont on ne perçoit d’abord que la blancheur du chemisier, s’est glissée à jardin. Un rasant l’éclaire peu à peu alors qu’elle progresse sur une diagonale. Portée par une bande son qui diffuse le souffle du vent, le corps oscille et ondule. Ulysse Zangs s’empare d’une guitare dont les accords passés par un effet de réverbération distillent une atmosphère aérienne. La danse de Chris Fargeot, toujours en ondulations fluides, vient s’incruster dans des faisceaux lumineux qui strient le sol du plateau comme s’ils entraient par une fenêtre à claire-voie.

D’un nouveau monde en devenir.

La danseuse nous invite dans sa chambre à partager une forme d’introspection dansée, loin des projecteurs des battles qu’elle a longuement fréquentés. Le titre de ce solo évoque l’instant symbolique de ce que certains appellent l’heure miroir : 3h33 ce n’est pas encore la fin de la nuit, ni vraiment le début du jour. 3h33 in my room (through the window) dessine une métamorphose en devenir. Celle de la danseuse qui, contre toute attente, entame sa chorégraphie par une longue séquence d’ondulations sans figure acrobatique obligée du breaking. Et quand bien même il y a passage au sol, c’est pour retrouver aussi vite la verticalité.

C’est une autre temporalité qui s’impose ici à la danseuse, et dont le spectateur devient le témoin : expérimenter la fluidité, prendre le temps de déboutonner son chemisier, de se défaire les cheveux pour entamer une danse en contact avec le sol, comme une exploration possible d’une nouvelle relation avec celui-ci.

Si le break est encore présent, c’est moins dans l’enchainement de figures et l’exercice d’une « prouesse » technique que, nous semble-t-il, dans les qualités explosives et dynamiques de Chris Fargeot comme lors de cette improvisation sur le jeu de batterie d’Ulysse Zangs. La musique que joue en live le musicien n’est pas qu’un simple accompagnement. Elle propose une traversée d’ambiances sonores aux colorations riches et variées (guitare, boucle électronique répétitive, solo de batterie, etc.) avec lesquelles la danseuse dialogue pour chercher et creuser son propre vocabulaire.

Chris Fargeot dit de sa création : « Après avoir traversé toutes ces influences, j’ai eu envie de me défaire des gestes qui ne m’appartiennent pas et de chercher un langage qui m’est propre, une gestuelle personnelle, sans me définir par un style en particulier ».

On salue ce premier solo – un format court de 30′ – d’une jeune chorégraphe à suivre assurément, partie à la découverte de son propre vocabulaire.

3h33 in my room (through the window) de Chris Fargeot.
Chorégraphie et interprétation : Chris Fargeot.
Musique composée et jouée live par Ulysse Zangs.

Prochaine date : festival Immersion Danse à l’Onde Théâtre le 18 novembre.