Inhale delirium exhale, le théâtre visuel de Miet Warlop

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Le monde au bout du rouleau de Miet Warlop.

Inhale delirium Exhale, programmé à la Villette dans le cadre du festival d’Automne, était l’occasion de découvrir l’univers de Miet Warlop, artiste visuelle belge, déjà présente dans une précédente édition du festival avec One Song (2O22), une pièce retentissante à plus d’un titre. Il fallait bien le large plateau du chapiteau de La Villette pour accueillir le délire manufacturier de l’artiste dans lequel six interprètes autant performeurs qu’opérateurs s’épuisent à faire face à une avalanche de tissus.

Drapés tombant du ciel, flots de soie inondant le plateau.

Inhale delirium exhale de Miet Warlop
Inhale Delirium Exhale de Miet Warlop © Alexander Reinout

Soit une succession de tableaux alimentés par des mètres de soie colorée (1500 mètres, est-il écrit) qui n’en finissent pas de tomber des cintres (on comprend alors la condamnation de la première rangée de fauteuil pour des raisons de sécurité), de se répandre en vagues successives, de se dévider, de flotter au vent sous l’effet du souffle de ventilateurs puissants, ou bien manipulés par des performeurs / opérateurs, petites mains frénétiques qui tirent, roulent, déroulent, enroulent, plient, accrochent, manipulent ces lés d’étoffes, tels des danaïdes modernes.

Dans un entretien donné à Marie Pons pour la Villette, Miet Warlop fait référence à la peinture baroque qui l’a inspirée : « Ces grands drapés qui tombent du ciel, s’enroulent autour de corps nus, les étranglent presque, j’y ai vu l’image de notre condition : pris dans une vie émaillée de relations et de contradictions multiples, dans un monde qui globalement déraille. »

Inhale delirium exhale, une métaphore du chaos.

Excepté une scène inaugurale dans laquelle un couple d’interprètes, auxquels on a ajouté des extensions de bras et de mains en plâtre, s’amuse à ce jeu d’enfant qui consiste à frapper les mains de l’autre, exercice souvent associer à une comptine (métaphore de l’innocence perdue et de notre fragilité), on assiste à une mise en abyme de tableaux dont il serait vain de déceler une logique interne, mais qui participent toutes d’une forme de taylorisme, exigeant des interprètes de tenir le rythme entre deux respirations (inspire / expire). Pas de répit, pas même durant une séance de yoga exécutée à la va-vite. Là encore, le temps presse. Car au déversoir et à l’accumulation de ces vagues de tissus ne peut répondre que la dépense d’énergie, l’énergie du désespoir, pour endiguer le chaos naissant. Les scènes les plus saisissantes, sont celles qui voient les interprètes disparaitre brusquement du plateau, engloutis par ces vagues de tissus comme par un tour de passe-passe. Ou lorsque les corps épousent la soie dans de monstrueuses apparitions fantomatiques. Là, ces images fortes procurent un sentiment d’inquiétude.

Si on peut souscrire à l’inventivité visuelle de Mier Warlop, Inhale delirium exhale semble tout de même se perdre dans la répétition de tableaux qui au final participe de l’épuisement des performeurs autant que des spectateurs.

Inhale delirium exhale de Miet Warlop vu à la Villetle 30/09 avec le festival d’Automne.
Concept, scénographie et direction Miet Warlop.
Interprètes : Lara Chedraoui, Mattis Clement, Margarida Ramalhete, Milan Schudel, Emiel Vandenberghe, Elias Demuynck.
Musique : DEEWEE.