Fracas x 7 François Chaignaud et Aymeric Hainaux à la Librairie 7L

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Fracas x 7, la transe bruitiste de François Chaignaud et Aymeric Hainaux.

Fracas x 7, une performance de François Chaignaud et Aymeric Hainaux, était présenté à la Librairie 7L dans le cadre du festival d’Automne. Chaignaud, danseur, chorégraphe et performeur prolixe, avait été invité dans la précédente édition du festival. Il avait présenté la performance Petites joueuses au Musée du Louvre dans les douves de l’ancienne forteresse du château.

Fracas x 7, une variation de Mirlitons adaptée à l’espace de la Librairie 7L.

Pour cette nouvelle édition, le festival d’automne propose un Portrait François Chaignaud à partir d’un ensemble de ses créations. Fracas x 7 est la première de ses pièces programmées. C’est une variation du projet Mirlitons (programmé à Chaillot en novembre dans le cadre de ce portrait) passée ici de 1h10 à une trentaine de minutes. C’est une pièce choc au sens premier du terme : on y frappe à tout rompre, intensément, violemment, à grands coups de chaussures et de bâtons.

Fracas x 7 francois chaignaud et aymeric-hainaux
Mirlitons, Francois Chaignaud & Aymeric Hainaux © Helge Kruckeberg

Fracas x 7 se joue dans un lieu intimiste tout à fait particulier, celui de l’ancienne bibliothèque du célèbre couturier Karl Lagardfeld : la Librairie 7L. C’est donc une version de Mirlitons adaptée au lieu qui est ici performée. Dans cet ancien entrepôt sous verrière aux murs couverts de livres du sol au plafond, le duo François Chaignaud, danseur, et Aymeric Hainaux, human beatbox, s’affairent déjà alors qu’un public réduit s’installe confortablement tout autour d’un plateau situé au centre de l’espace.

Hainaux portant comme un casque de chevalier, est immobile, étendu sur le sol. Chaignaux l’empoigne, le tire comme il peut, le porte dans un corps à corps inégal, le redresse enfin, comme le ramenant à la vie. Ainsi peut-on entendre le souffle de ce chevalier endormi qui se transforme peu à peu en notes percussives jouées avec la bouche et amplifiées par un micro. Hainaux, spécialiste du genre « human beatbox », fait de son souffle, de la voix et du micro un instrument de musique à part entière. Il est ce mirliton dont le Larousse nous apprend que ce terme désigne justement un « instrument de musique dans lequel le souffle humain fait vibrer une membrane afin de modifier la voix qui parle ou chante devant. »

Une performance fracassante.

Pendant cette entame rythmique vocale, Chaignaux, autre mirliton, change de tenue et se chausse d’épaisses chaussures de danse flamenco avec lesquelles il joue, tout d’abord, des pointes en griffant et zébrant la surface réduite du plateau comme une écriture à la craie sur un tableau noir. Enturbanné et vêtu de cuir épais, il est rejoint par Hainaux avec lequel il entame alors un dialogue percussif. Réunis tous deux sur cet espace étroit, ils se déplacent sans ménagement dans une proximité corporelle vacillante qui prend des allures de joute autant physique que sonore, l’un frappant de la pointe et du talon la surface du plateau, levant haut la jambe pour la laisser retomber avec fracas, l’autre s’époumonant et crachant dans son micro ses percussions vocales. Munis chacun d’un bâton, pourvu de clochettes pour l’un, ils frappent le sol tels des furieux lancés éperdument dans une transe jusqu’à atteindre l’épuisement. À son terme, Fracas x 7, partition sonique n’épargnant les oreilles de personne, s’achève sur une polyphonie vocale chantée par les deux performeurs, juchés en hauteur sur la coursive de la bibliothèque.

À la sortie de la salle, était disponible un petit recueil de vers en heptasyllabes, soit 7 pieds comme le rythme en 7 temps de la performance sonore menée tambour battant. On se rappelle alors que mirlitons se dit aussi de vers de piètre qualité. Dans Fracas x 7, le mirliton, qu’il soit instrument populaire ou vers de pacotille, est investi comme un vecteur d’expression radical. Frappant le sol jusqu’à l’épuisement, François Chaignaud et Aymeric Hainaux ne cherchent pas l’harmonie, mais une forme de catharsis par le rythme, dans une mise en tension, un frottement des corps et des sons, fabriquant une poésie bruitiste sauvage.

Fracas x 7 vu le 23 septembre à la Librairie 7L.
Conception et interprétation : François Chaignaud et Aymeric Hainaux.
Retrouver l’ensemble de la programmation du Portrait François Chaignaud au festival d’Automne.

« Et dans ce corps qu’est-ce qui se meut / se meurt / il danse encore qu’est-ce qui se meurt ? »