CERCLES de Boris Charmatz au Grand Palais

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Avec CERCLES, Boris Charmatz est revenu au Grand Palais pour six soirées avec un atelier chorégraphique XXL.

La Ronde, une création de Boris Charmatz qui avait fêté la fermeture du Grand Palais pour travaux en 2021, s’était vue amputée de ses spectateurs en raison de la pandémie de Covid. Cette fois-ci, pour CERCLES, le public était bien présent pour assister durant trois soirées consécutives, sous la coupole de la grande nef, à une performance en continu avec une compagnie de danse éphémère de plus de 200 danseur·euses.

Boris Charmatz, danseur et chorégraphe à la direction de Tanztheater Wuppertal Pina Bausch jusqu’à la fin du mois de juillet, est un habitué des propositions singulières. À la tête du CCN de Rennes – Bretagne entre 2009 et 2018, il avait initié le Musée de la danse et à sa suite Terrain, une structure justement tout terrain, qui a vocation à mettre la danse « dans la rue, les espaces verts, les musées, les gares, les friches, les stades ou les paysages miniers de l’Europe post-industrielle ».

CERCLES, qui s’inscrit ainsi dans ce cadre particulier, est une proposition chorégraphique déjà expérimentée au festival d’Avignon en 2024, puis à Wuppertal et au Centre Pompidou Metz en juin dernier, avec 200 danseur·euses. Une performance dont on peut retrouver la préfiguration dans celle de Happening Tempête conçue avec une centaine de participant·es pour l’inauguration du Grand Palais Éphémère en juin 2021. On sortait à peine du covid et toutes et tous, nous portions encore le masque.

Les projets convoquant un grand nombre de participants, danseur·euses ou non, se sont multipliés sous diverses formes depuis ces dernières années, particulièrement dans cet après-covid. Pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus récents, Olivier Dubois a remonté en 2022 puis en 2024 une version de 30′ de sa pièce Tragédie avec 120 amateurs et amatrices ; Aina Alègre a créé en 2023 Parades et Désobéissance, dans le cadre du festival de Marseille, une déambulation avec une centaine de participant·es réactivée en juin dernier à l’invitation de Bonlieu Scène nationale Annecy.

CERCLES, un atelier chorégraphique XXL.

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Cercles, Boris Charmatz au Grand Palais © Vero O.

Si La Ronde, inspirée de l’œuvre d’Arthur Schnitzler, explorait l’enchaînement de duos, CERCLES conserve l’idée de la circularité, mais en démultiplie l’échelle. Plus de 200 danseur·euses ont évolué quasiment en continu sur l’immense tapis de danse circulaire installé sous la coupole. Ouvrant sur le double escalier majestueux, les spectateurs étaient invités à s’y installer pour goûter aussi à la découverte d’une vue plongeante. Car il fallait bien prendre un peu de hauteur pour apprécier la force du collectif et la singularité de ces 200 corps investissant massivement le plateau pour trois heures de performance, durant six soirées dont trois ouvertes au public.

CERCLES n’est pas un spectacle à proprement parler. C’est un atelier XXL comme le rappellera Charmatz à l’attention du public. Un atelier qui débutait par un échauffement auquel le public présent les trois derniers soirs était invité à rejoindre. Le Grand Palais se transformait alors en une énorme ruche dans une belle euphorie et une mise en route énergisante. Au-delà de cette première demi-heure, à quoi il fut nécessaire d’ajouter les remerciements d’usages aux équipes, celles du Grand Palais et celle de Terrain (danseurs, danseuses et équipe technique), c’est la performance elle-même qui pouvait débuter conçue comme une boucle de 40′ qui allait se répéter plusieurs fois au cours de la soirée.

Transmettre, restituer.

Pour cela, durant les 3 premiers soirs fermés au public, Boris Charmatz et les danseur·euses de son équipe auront transmis aux 200 participant·es les matériaux chorégraphiques qui seront restitués lors de la performance : le solo Étude Révolutuionnaire (1921) d’Isadora Duncan dans une forme brute comme l’annonça le chorégraphe, danses traditionnelles ré-inventées, morceaux de solo ou duo de Charmatz (avec Dimitri Chamblas), une chorégraphie de Magali Caillet Gajan, l’assistante du chorégraphe. Toutes ces danses développées dans un mouvement circulaire, avec leurs répétitions et accélérations, seront soutenues par une playlist imparable constituée des seuls morceaux électro — des classiques — joués par la fanfare de Hambourg Meute.

Les deux premières soirées d’ouverture au public ont maintenu cette dynamique d’atelier. Boris Charmatz, micro à la main, continuait de préciser les placements et les intentions des différentes séquences dansées, offrant au public une immersion directe dans le processus de création et de mise en place. La dernière soirée fut le point d’orgue d’une semaine particulièrement intense. Les trois sets se sont enchaînés sans pause, dans une explosion d’énergie et d’enthousiasme qui a littéralement rejailli sur l’assemblée des spectateurs.

Plus qu’un simple spectacle de danse, CERCLES fut une expérience sensorielle et immersive où le public fut invité à se laisser porter par le tourbillon des corps, de la musique et de la lumière (créée par Yves Gaudin), dans une forme de crescendo chaotique et jubilatoire. Boris Charmatz a su créer un espace dans lequel le temps semblait s’étirer, où la notion de début et de fin s’effaçait au profit d’un cycle continu dans lequel se télescopaient ronde traditionnelle, rituel archaïque et danse contemporaine.

Au-delà de la prouesse chorégraphique et de l’ampleur du dispositif, ce sont l’enthousiasme communicatif des participant·es et l’engouement du public qui ont marqué les esprits. Cette performance singulière, à mi-chemin entre l’atelier et le spectacle – un atelier spectaculaire – rappelle que la danse, dans sa forme la plus immédiate et partagée, peut générer des émotions fortes. CERCLES de Boris Charmatz au Grand Palais restera sans doute comme un moment de célébration et d’émotion partagée.

CERCLES de Boris Charmatz au Grand Palais du 17 au 19 juillet 2025.

Chorégraphie de Boris Charmatz.
Assistante chorégraphique Magali Caillet Gajan.
Musique Meute.
Avec Laura Bachman, Régis Badel, Guilhem Chatir, Eli Cohen, Olga Dukhovna, Julien Ferranti, Tatiana Julien, Johanna Elisa Lemke, François Malbranque, Samuel Planas, Asha Thomas et un groupe d’environ 200 amateurs et amatrices.
Lumière : Yves Godin.

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